Soigner la liberté

Yasmine est d'origine syrienne, mais sa famille vit en France depuis longtemps. Ayant hérité de ses parents un bâtiment dans une petite ville de Syrie – ils rêvaient de faire un hôpital avant leur exil forcé – Yasmine a réalisé leur vœu en créant, en pleine guerre civile, cet « hôpital de la liberté » où chacun est soigné sans distinction de religion, d'origine, de sexe, de milieu ou d'opinion politique.

Le macabre décompte des victimes et la litanie des armes russes (du côté du régime de Bachar Al-Assad) rythment ce journal d’hôpital. Aux côtés de Yasmine, Sophie, une jeune française qui réalise un documentaire, et un équipe de soignants qui doit accomplir des miracles avec trois fois rien.

Partout – jusque dans les têtes –, la propagande d'Al-Assad, la mort, les tortures, le trafic de drogue, le fanatisme. Dehors, les snipers dont on parvient parfois à déjouer les tirs en dépliant des tapis dans leur ligne de mire.
Moyens dérisoires et grand courage d'un côté, arsenal guerrier de l'autre, sur fond d'un conflit religieux né il y a 1 400 ans pour savoir qui succèderait à Mahomet. Des prédicateurs autoproclamés sèment dans les esprits un discours de haine et d'exclusion. Mais au milieu de la mort et de la désolation, une histoire d'amour fleurit comme un rosier entre les tombes, pris en étau entre l'obscurantisme de Daech et la dictature sanglante de Bachar Al-Assad.

En un noir et blanc d'un expressionnisme puissant, Hamid Sulaiman décrit cette cohabitation de l'extrême violence et de moments de répit où la parole s'installe malgré tout avec même des notes d'humour. Réfugié politique à Paris, le travail de Hamid Sulaiman a été exposé dans de nombreuses capitales et le superbe Freedom Hospital est son premier roman graphique.

Freedom Hospital,

de Hamid Sulaiman.

Arte éditions. 288 pages, 23 €.