30 août 2014 | Mise à jour le 27 avril 2017
Par
Dee Brooks
| Photo(s) : DR et Jean-Luc Bertini/Albin Michel
Auteur de romans à l'imaginaire puissant et au style impeccable, David Treuer signe avec « Indian roads. Un voyage dans l'Amérique indienne » une œuvre de non-fiction aussi ambitieuse que passionnante…
« Je ne suis pas censé exister. Il y a un siècle, les Indiens d'Amérique étaient censés disparaître, comme les espèces menacées. Nos réserves ne sont pas censées exister non plus (…).
Finalement, je n'en suis pas mort, et la vie des réserves continue malgré les froides intentions d'une république qui remonte à deux siècles avant ma naissance.
Nous continuons résolument d'exister. A l'aube du XXe siècle, il y avait un peu plus de deux cent mille Indiens d'Amérique en vie ; au recensement de l'an 2000, nous étions plus de deux millions. (…) Mais alors même que nos populations augmentent, je crains que nos cultures ne se meurent. »
Auteur de romans à l'imaginaire puissant et au style impeccable, David Treuer signe avec « Indian roads. Un voyage dans l'Amérique indienne » une œuvre de non-fiction aussi ambitieuse que passionnante… pour tout lecteur plus intéressé par la réalité que par le mythe et plus attiré par l'humain que par le cliché !
A l'instar du très beau livre de Vine Deloria « Custer died for your sins » qui, dans les années 1970 remettait à l'heure quelques pendules ou de « Enterre mon cœur à Wounded Knee », « Indians roads » fait œuvre historique.
Mais pas seulement, car l'ouvrage mêle avec finesse les éléments autobiographiques à l'histoire des Ojibwé – lignée maternelle de l'auteur – et l'histoire complexe et conflictuelle des « premières nations » d'Amérique du nord.
DU VOL DES TERRES À L’ETHNOCIDE
La réalité de la vie des réserves – et notamment des réserves Ojibwé du Minnesota – y est décrite sans fard, pourfendant au passage les stéréotypes dans lesquels il est plus confortable d'enfermer « l'autre » que de chercher à voir son humanité. David Treuer rappelle le vol des terres indiennes, les traités et les droits bafoués, l'ethnocide frontal ou rampant, illustrant son propos d'exemples tirés d'un dense travail d'enquête et de rencontres.
« Les Indiens occupent les vastes territoires de l'imaginaire.
Nous sommes impliqués dans les histoires que l'Amérique se raconte à propos d'elle-même.
Mais la plupart des gens ne rencontreront ni ne parleront jamais avec l'un de nous. »
Chacun de ceux qui ont eu la chance d'échanger avec cet écrivain américain d'importance, esprit brillant, réfléchi et aussi acéré que sensible, auront à cœur de retrouver dans ces pages une clairvoyance et un questionnement qui sont la marque des grands auteurs. Et pour tous les lecteurs qui apprécient déjà son œuvre romanesque, cet essai s'affirme comme son indispensable complément.
« Indian roads. Un voyage dans l'Amérique indienne »
de David Treuer,
Albin Michel, collection Terres d'Amérique, 417 p., 24 €.