Sur le Yémen, vente d’armes et dénégations d’État
Jusqu’où la France d’Emmanuel Macron ira-t-elle pour continuer à vendre des armes à l’Arabie saoudite qui poursuit sa sale guerre au Yémen ? Lire la suite
Tandis que des voix s'élèvent contre les ventes d'armes à des régimes en guerre, comme l'Arabie saoudite qui bombarde au Yémen, la troisième place de notre pays au palmarès des vendeurs d'armement pose des questions éthiques et politiques et interpelle le syndicalisme. La CGT du groupe Thales milite pour que le groupe d'électronique se diversifie dans les applications civiles et dépende moins des ventes d'armes, tout en développant des emplois de qualité. Elle propose la création et le financement d'une branche des industries de la santé et la construction d'une filière française d'imagerie médicale avec le groupe Thales comme acteur fédérateur. Une branche qui a bien failli voir le jour à la suite d'une lutte menée par la CGT en 2011 et 2012 pour mettre en échec la cession, par Thales, de ses activités d'imagerie médicale implantées près de Grenoble (Isère). Ce qui était alors en jeu, c'était la fin de la souveraineté de la France dans le domaine de l'imagerie puisque ces deux sites contigus sur le site isérois fabriquent des composants (tubes et détecteurs) employés par la plupart des fabricants mondiaux de systèmes d'imagerie médicale. La cession de cette activité était une aberration, alors que l'imagerie est devenue la pierre angulaire du diagnostic médical. La mobilisation avait alors permis non seulement le maintien des deux sites spécialisés dans l'imagerie médicale, mais aussi l'engagement de l'ancien PDG du groupe, Jean-Bernard Lévy, à soutenir l'activité du site et la diversification dans les activités à forte valeur technologique du marché de la santé. Ceci en exploitant les technologies militaires dans des applications civiles. « C'est dans la dynamique de ce conflit pour sauver les sites grenoblois qu'est née notre réflexion sur cette filière. Les salariés ont participé à l'élaboration de nos propositions et ils ont trouvé de l'intérêt à cette démarche syndicale qui articule opposition à la casse de l'emploi et propositions industrielles », explique Laurent Trombini, co-animateur de la coordination CGT de Thales.
Pour mener ce combat, la CGT a créé un site Internet et un bulletin d'information (Imagerie d'avenir, disponible sur le site) afin de présenter ses propositions, pour ouvrir le débat en interne comme en externe. « En faisant ainsi, nous avons fait converger notre savoir-faire et nos compétences en recherche et en production avec les besoins de ces professions du médical et de la recherche. Nous avons eu des réactions très intéressées de chirurgiens, de directeurs d'hôpitaux et de chercheurs du CNRS. Nous avons rendu nos propositions visibles et elles sont prises très au sérieux, affirme Laurent Trombini. C'est ce qui fait leur force et leur pertinence. »
Ainsi, dans le bulletin Imagerie d'avenir de février 2017, on apprend que la biophotonique (imagerie optique utilisant les rayons visibles, ultra-violets, infrarouges), discipline émergente depuis le début des années 2000, permet des avancées dans les sciences de la vie, la santé humaine, la santé animale, l'environnement, l'agroalimentaire et la biométrie. Problème : si la France (cinquième acteur mondial dans l'innovation médicale) a vu émerger ces dernières années de nombreuses start-up dans ce domaine, il manque « un opérateur national d'envergure, proche des laboratoires académiques et ayant des capacités d'intégration rapide et concurrentielle des systèmes mis au point pour les commercialiser » , estimaient Cédric Matthews et Laurent Héliot, chercheurs au CNRS, dans une contribution parue dans Imagerie d'avenir de février 2017. Et on ne parle pas de niche confidentielle, mais bien d'un marché industriel potentiel estimé « à quelques dizaines de milliards d'euros avec une croissance supérieure à 10 % par an sur les vingt dernières années » . Et pour les dix ans à venir, ces chiffres pourraient être multipliés par six. Les deux chercheurs évoquent « l'existence d'un large marché de 63 milliards de dollars » . Pour Laurent Trombini et ses camarades, « Thales pourrait être le fédérateur de cette industrie de l'imagerie médicale en y investissant quelque 300 millions d'euros. Le groupe en a largement la capacité puisqu'il vient d'investir 4,8 milliards d'euros dans la reprise du fabricant de cartes à puces, Gemalto » .