15 mars 2018 | Mise à jour le 16 mars 2018
De gauche à droite Guy Kuku, président de la Confédération démocratique du travail, Galixte Mdolo, assistant de Guy Kuku, Alain Delmas, conseiller confédéral « Afrique », et Jacques Kinyamba, secrétaire général de Solidarité ouvrière et paysanne.
Rétroplanning. Après avoir été reçus par Philippe Martinez à leur arrivée en France et avoir rencontré les représentants de l'UD 75, les membres de la délégation intersyndicale congolaise ont profité du samedi pour découvrir la capitale. Une visite placée sous les couleurs de la CGT.
Troisième volet de notre série, consacré à la délégation congolaise.
Paris, avenue Daumesnil, dans le douzième arrondissement. C'est là que se rend cet après-midi la délégation de l'intersyndicale de la RDC arrivée le 8 mars dernier en France. Dans les bureaux de Defi Technology plus précisément. À l'intérieur, une trentaine de personnes sont déjà là. Assises, allongées, en train de manger ou de discuter, d'envoyer des messages sur leur smartphone. Travailleurs sans papiers venus du Sénégal, du Mali ou de Mauritanie, depuis le 12 février, ils sont en grève et occupent les locaux de cette agence d'intérim. « Ici, tout le monde travaille dans le bâtiment », explique Salif, leur délégué, un Sénégalais lui aussi sans papiers et « intérimaire » depuis trois ans. Les raisons de leur colère ? « Quatre cents euros par semaine pour un travail difficile, pas de frais de transport ni de “gamelle”. » Ce qu'ils demandent : « leur régularisation et la possibilité de travailler comme tout le monde ». Un combat, soutenu dès le début par la CGT et des associations d'aide aux migrants, qui se prolonge… Et reste toujours sans réponse.
« S'ils sont en train de faire la grève, cela veut dire qu'ils s'estiment être dans un cas d'injustice », déplore le président de la Confédération démocratique du Congo, Guy Kuku, solidaire de ces « camarades ». « Cela nous dit que la lutte est partout. » Pour autant, cette rencontre avec des sans-papiers ici, en France, lui laisse un goût amer. « Cela nous interpelle. Pourquoi ces Africains doivent-ils quitter leur pays ? Pourquoi ne peuvent-ils travailler librement chez eux ? Avoir des moyens de subsistance, protéger leur famille comme les ressortissants de tous les pays ? Et si demain, les Européens étaient obligés d'aller ailleurs, comment les Africains réagiraient-ils ? »
La tour Eiffel, côté social
Autre lieu, autre ambiance… C'est au pied du monument le plus emblématique de Paris qu'arrivent les représentants congolais. Pour une visite touristique, certes – la délégation aura même le privilège de découvrir la machinerie sophistiquée qui règle la vie de la vieille Dame de fer –, mais surtout pour rencontrer Hakim, de la CGT tour Eiffel. D'une traite, ce responsable syndical leur explique comment les huit revendications portées par les syndicats présents dans cette entreprise privée, propriété de la Ville de Paris, ont été acceptées par leur direction en février dernier. Après juste un préavis de grève. Une victoire rapide, totale. Surprenante.
« Nous sommes dans une entreprise unique qui ne risque pas d'être délocalisée », relativise cependant Hakim. « Surtout, avec ses six millions et demi à sept millions de visiteurs par an, la tour Eiffel est une vraie “usine à fric”. » À 25 euros le billet pour monter en haut de la tour, le calcul a en effet été vite fait par la société responsable de l'exploitation du site, la SETE. Mieux vaut satisfaire les demandes plutôt que de voir le monument fermé. Une question de rapport de force, donc. Habitués à des relations sociales d'une violence extrême dans leur pays, Guy Kuku et ses compatriotes se réjouissent sans réserve de cette victoire : « Cela prouve quand même qu'il y a une oreille attentive et un sens du dialogue de la part des autorités. Qu'il y a des entreprises qui écoutent les travailleurs. » À condition de leur tirer un peu l'oreille.