Une mondialisation à encadrer
Dans le débat des campagnes électorales successives en cours actuellement en France, la question qui semble être au centre des préoccupations des citoyens est celle qui est directement liée à ce constat : est-il préférable d'avoir des économies ouvertes sur le monde et interconnectées ou faut-il préférer des systèmes fermés et tenter l'autarcie ?
En premier lieu, cette interdépendance des pays et des pôles économiques n'est pas nouvelle : l'échange et le commerce, y compris sur de larges distances, a toujours été la réalité de l'humanité. Les personnes et les biens ont circulé de tout temps. L'accélération de ces mouvements a amené une intensification des échanges, les a élargis à de nouveaux produits et en particulier a rendu possible la prestation de services à distance. Les déplacements des personnes et la circulation de l'information génèrent une forte dépendance mutuelle des régions du monde. La mondialisation, considérée dans ses traits principaux, c'est cela.
Vu d'Europe, nous sommes sans aucun doute globalement des bénéficiaires de ce processus. Cependant, sommes-nous tous, individuellement, de la même manière bénéficiaires ? Certainement, non.
Faut-il alors couper les ponts avec le monde qui nous entoure et nous reposer uniquement sur ce qui est produit par nous et nos concitoyens, et fermer les frontières ? Il convient de noter qu'en aucun cas ce serait revenir à une situation antérieure : l'autarcie et l'isolement d'un pays ou d'une région ont toujours été des situations exceptionnelles, et imposées par l'extérieur (blocus, sanctions internationales, etc.). Mais dans l'histoire, à aucune époque, les pays n'ont pas échangé entre eux. Donc : faut-il créer cette situation, par une décision auto-imposée ? Est-il souhaitable de se mettre dans la condition de Cuba ou de l'Iran qui vivent cela – mais qui se battent pour en sortir. Refuser, en quelque sorte, la mondialisation ?
Une autre option d'approche serait de peser sur la réalité et la mise en œuvre de cette ouverture sur le monde : encadrer la mondialisation. Elle est utile pour une partie de la population seulement, telle qu'elle fonctionne aujourd'hui. Elle est le véhicule d'inégalités croissantes, et de l'exclusion sociale. Cette constellation va jusqu'à mettre en péril nos démocraties. Cela doit changer, évidemment.
L'outil qui détermine pour une large partie les règles de la mondialisation, c'est la politique commerciale internationale. En Europe, elle est une compétence de l'Union européenne (UE). Les exemples des négociations récentes menées par l'UE, comme pour le CETA, le TAFTA ou bien le TISA, en partie encore en cours, nous montrent concrètement les implications : une poussée vers la libéralisation, la privatisation des services publics et des privilèges pour les patrons de grandes firmes multinationales.
C'est pour cette raison que la coopération de la CGT avec les syndicats des autres pays européens est si importante quand elle travaille sur la politique commerciale de l'Union. Mais cette coopération ne peut être efficace que si elle repose sur la mobilisation des forces organisées en France.
Il se trouve que dans les derniers jours, deux décisions de la Cour de justice européenne confortent la position des syndicats, et plus largement de la société civile, pour faire valoir nos revendications. Il y a d'un côté la question de l'Initiative citoyenne européenne (ICE) contre le TAFTA, que la Commission européenne avait refusé d'accepter. La Cour de Luxembourg a maintenant donné raison aux initiateurs, parmi lesquelles des organisations syndicales. Le jugement confirme que non seulement – et cela paraît évident – les organisateurs ont un intérêt d'agir, mais aussi qu'ils ne sont pas obligés d'attendre que les négociations soient terminées. Cela oblige la Commission d'un côté à plus de transparence, et de l'autre côté cela renforce la position de ceux qui défendent les intérêts des citoyens et des travailleurs.
L'autre décision concernait une question particulièrement sensible pour les syndicats : la protection des investisseurs étrangers et les moyens mis à leur disposition pour imposer leurs intérêts aux États (le fameux ISDS ou RDIE). La Cour a décidé que l'Union européenne ne peut agir seule dans ce domaine : elle a besoin d'obtenir l'unanimité des États membres pour conclure des accords. Cela, par ricochet, renforce également la position des syndicats qui s'opposent à ces règles.
Il ne nous reste plus qu’à mettre à profit ces nouvelles possibilités données aux syndicats : mobilisons-nous !