Apprentissage : un pognon de dingue
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« Valdunes, c’est la Ferrari du train ! » David (1) a des étoiles plein les yeux quand il parle de « son » entreprise, la dernière en France à fabriquer des essieux et des roues pour le ferroviaire. Le record mondial de vitesse décroché par un TGV en 2007, à près de 575 km/h ? Avec des roues Valdunes. La roue certifiée pour un million de km ? Un brevet Valdunes. L’essieu qui supporte 450 tonnes à lui seul? Valdunes, encore… Mais David voit passer dans son atelier de Trith-Saint-Léger, près de Valenciennes (Nord), de plus en plus de produits fabriqués en Chine, qu’il s’agit, au mieux, d’assembler. Valdunes a pourtant sa forge près de Dunkerque, tandis que le site valenciennois assure l’usinage des pièces. Racheté en 2014 par le géant chinois MA Steel, Valdunes emploie environ 360 salariés, contre plus de 500 il y a quatre ans. La CGT estime que l’actionnaire a pillé le savoir-faire et les brevets, pour les rapatrier en Chine. « Ils sont en train de faire homologuer onze types de roues pour la grande vitesse, construites en Chine avec de l’acier chinois », illustre Maxime Savaux, délégué CGT. Ce marché était jusque-là la spécialité de Valdunes. « Ces homologations pouvaient prendre jusqu’à un an et demi ou deux ans. Maintenant, ils les obtiennent parfois en six mois. Cela pose question sur la sécurité des voyageurs », souligne Ludovic Bouvier, de la CGT Métallurgie pour le Nord-Pas-de-Calais.
Face aux craintes de disparition de Valdunes – ou de transformation en simple plate-forme pour l’Europe -, la CGT a appelé à la grève le 28 avril. Sur les deux sites, une centaine de salariés ont débrayé quelques heures. Tous ont en tête le marché inattendu décroché récemment par MA Steel, alors que les usines ferroviaires ukrainiennes et russes voient leur production ou leurs expéditions bloquées par la guerre. Sur ces 10 000 roues, la forge de Dunkerque en a récupéré « entre 600 et mille », de l’aveu même du directeur de Valdunes, joint au téléphone le mois dernier. Lui y voit « une opportunité pour limiter le chômage partiel ». La CGT refuse de se contenter des miettes. Depuis plusieurs mois, le syndicat alerte le ministère de l’Economie. Selon ce dernier, qui a rencontré l’actionnaire, MA Steel comptait fermer la forge en mars dernier. « Si il n’y a plus de forge à Dunkerque, il n’y a plus non plus d’usinage à Valenciennes », tranche Maxime Savaux. « Le gouvernement a confié au cabinet Grant Thorton un audit de six semaines sur les comptes de l’entreprise, les commandes, les investissements nécessaires, les perspectives du marché mondial et européen… », détaille Maxime Savaux. Une perspective que MA Steel aurait, dans un premier temps, catégoriquement refusé.
Si les salariés se félicitent de ce revirement, ils restent très prudents. Lors de l’assemblée générale improvisée sur le parking du site valenciennois, les échanges leur permettent ainsi d’apprendre que MA Steel a tenté de récupérer en direct un marché confié par l’allemand VTG à Valdunes. D’autres responsabilités pèsent dans la situation de l’entreprise. Les commandes de la SNCF à Valdunes, qui étaient de 43 000 roues en 2005, sont descendues à zéro en 2020 et 2021 et ne sont que de 7 000 pour 2022 et 2023. La compagnie française préfère se tourner vers l’Italie, l’Espagne et la Tchéquie. Le seuil de rentabilité de la forge de Valdunes se situe à 60 000 roues par an, tandis que le carnet de commandes n’en compte que 25 000 pour cette année. Ce qui pose la question de la politique industrielle de la France. « Avec Valdunes, on a un cas d’école », commente Philippe Verbeke, de la CGT Métallurgie. Selon ses chiffres, Valdunes a touché plus de 2,6 millions d’euros de CICE depuis 2018, tout en supprimant près de 150 postes sur la même période.
(1) Prénom modifié.
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