Un oublié de la nation

Abdesslem est un chibani, mais le sort n’a pas décidé de lui faire quitter son pays pour construire nos voitures ou paver nos rues, mais pour aller combattre dans toutes les guerres, légitimes ou non, où la France s’est engagée.

Abdesselem vivote à Dreux dans un ex-foyer Sonacotra lorsque Alain Bujak le rencontre en 2008 pour un reportage photo.

Les deux hommes se lient et le vieux tirailleur marocain raconte, de l'enrôlement de force en 1939 aux engagements contraints dans l'armée française, jusqu'en 1954. Il ne cache rien de cette existence volée, ni de la misère des siens, des choix qui n’en ont pas été, des décisions qu’on lui a imposées. 

De même, il décrit les promesses de cette fameuse pension militaire « cristallisée », mot poétique pour une réalité sordide : les anciens soldats « indigènes » verront leur pension gelée selon le niveau de vie de leur pays d'origine.  Et, comble d'ingratitude, elle ne sera versée que s'ils demeurent au moins neuf mois par an sur le territoire français…

Mais Abdesselem n’a pas l’intention de mourir dans ce foyer sordide, loin des siens qu’il a pourtant si peu vus et de sa terre pourtant si ingrate.

Mis en images avec poésie par Piero Macola, cette BD prend aux tripes, tant par la pudeur du récit que par la beauté et la douceur des images. Elle est suivie d’un carnet de route qui nous montre le vrai Abdesselem dont la vie en miettes nous est contée sans fard.

« Le tirailleur ». De Piero Macola et Alain Bujak. Editions Futuropolis. 128 p., 20 €.