Procès Air France : triple peine pour quatre ex-salariés
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À verdict inique, commentaire sans appel : « La justice n'est pas indépendante, elle s'est rangée du côté des puissants », a estimé Miguel Fortea, secrétaire général de la CGT Air France à la sortie du procès des salariés de la compagnie.
Dignes et inflexibles, les quinze d'Air France ont écouté le président égrainer les décisions du tribunal. Le procureur avait requis deux à quatre mois de prison pour les cinq prévenus jugés pour violences. Finalement, le tribunal de Bobigny a condamné trois ex-salariés d'Air France – militants syndicaux de la CGT – à des peines de trois à quatre mois de prison avec sursis. Deux autres ont été relaxés, car des doutes subsistaient sur leur implication dans les incidents du 5 octobre 2015. De fait, au procès fin septembre, le président du tribunal lui-même avait reconnu que tous les participants à ces violences n'avaient pu être identifiés. Et, à l'audience, il était apparu que des doutes subsistaient quant à la responsabilité exacte de certains prévenus.
Ne laissant rien passer, pas plus une chemise déchirée qu'un portail secoué, la justice s'est aussi penchée sur le dossier de dix autres salariés et ex-salariés de la compagnie qui auraient commis des dégradations sur la grille d'accès au siège. Ils se sont vus infliger une amende de 500 euros.
Avocate de 11 des prévenus, Lilia Mhissen a jugé ces condamnations « scandaleuses » et conseille à ses clients de faire appel. Pour Miguel Fortea, « le jugement est loin d'être satisfaisant. Il était censé faire la lumière » sur la manifestation à Roissy, au cours de laquelle Xavier Broseta, le DRH à l'époque, et le responsable long-courrier ont été pris à partie. « Et là, ce n'est pas le cas », estime encore le secrétaire général de la CGT Air France.
C'est lors d'un comité central d'entreprise, le 5 octobre 2015, que les salariés ont eu connaissance d'un plan social de grande ampleur. Les faits reprochés aux syndicalistes (l'agression de deux cadres d'Air France et la médiatique chemise arrachée du DRH) s'étaient produits à la suite de l'annonce sans ménagement par la direction du groupe d'un projet de restructuration menaçant plusieurs milliers d'emplois.
Pour Christophe Malloggi, secrétaire général de FO Air France, les peines prononcées constituent « une reconnaissance de la criminalisation de l'activité syndicale ». Et ce d'autant plus que les prévenus ont « déjà été sanctionnés au niveau de l'entreprise » puisque quatre des cinq salariés qui étaient jugés pour violences ont été licenciés pour faute lourde.
Quant à Vincent Martinez, ancien délégué du personnel (CGT) dont le licenciement avait été refusé par l'inspection du travail, mais que Myriam El Khomri a exigé, il tente désormais de se « reconcentrer sur sa vie professionnelle » et affirme avoir « toujours l'envie d'être réintégré par Air France ».
Saisi pour violence physique, la justice n'a même pas pris en compte la violence sociale, préférant « balayer d'un revers de main » la plaidoirie de l'avocate des prévenus. « Le seul objectif est de faire baisser la tête aux salariés, pour les empêcher de défendre leur travail, en résistant aux mauvais coups des directions d'entreprise. Le message envoyé est clair : liberté d'action pour les actionnaires pour détruire l'emploi et nourrir la finance ! La violence est bien dans ce camp-là », estiment, dans un communiqué commun, la confédération CGT, la fédération CGT transports et le syndicat CGT Air France, qui dénoncent un procès inique et une décision très politique.
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