À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT

Une vie bien rangée

23 novembre 2014 | Mise à jour le 7 avril 2017
Par
Une vie bien rangée

Née sous la plume de la romancière Sophie Divry, M.-A., la protagoniste de « La condition pavillonnaire » évoque bien sûr une autre figure de la littérature. Une certaine Emma Bovary…  L'auteure observe M.-A. un peu comme un entomologiste s'attacherait à un insecte placé dans un terrarium et dont il noterait le mode de vie et les habitudes dans les moindres détails.

De cette femme, on dirait qu'elle a tout pour être heureuse : un mari qui l'aime, des enfants en bonne santé, un pavillon coquet, un travail qu'elle apprécie. Et pourtant, depuis l'enfance, l'ennui et l'insatisfaction sont là… Tapis dans l'ombre, enkystés dans ce quotidien si bien rôdé, si totalement banal qu'il en devient mortellement routinier, anesthésiant sentiments et élans, brisant énergie et joie à peine éclos.

Née sous la plume de la romancière Sophie Divry, la protagoniste de « La condition pavillonnaire » évoque bien sûr une autre figure de la littérature. Une certaine Emma Bovary… Clin d'œil de Sophie Divry, car nous ne connaîtrons son héroïne que comme M.-A.

L'auteure observe donc M.-A. un peu comme un entomologiste s'attacherait à un insecte placé dans un terrarium et dont il noterait le mode de vie et les habitudes dans les moindres détails. Et pour ne pas l'exclure de la communauté des femmes à laquelle elle appartient également, Sophie Divry use du tutoiement, à la fois empathique et familier.

Moins fantasque et dotée de moins d’humour que la bibliothécaire au bord de la crise de nerfs de son très joli petit roman « La cote 400 », M.-A. n’est pas vraiment sympathique et franchement nombriliste… Sophie Divry la décortique à la loupe avec la rigueur d’un scientifique étudiant un spécimen.

Dans un style assez lapidaire, les faits insignifiants ou importants de la vie de M.-A. sont traités sur un même plan. Qu'elle tombe amoureuse, entre dans le monde du travail, ait deux enfants ou prenne un amant comme elle prendra des cours de yoga ou achètera une nouvelle machine à café.

M.-A. cherche le bonheur, sans même se rendre compte qu'il pourrait bien s'agir là d'une utopie, d'une « inaccessible étoile » aussi insaisissable et immatérielle qu'un feu-follet. Condamnée à cette quête, comme Sisyphe poussant son rocher, M.-A. symbolise une condition humaine à l'idéal petit bourgeois qui semble porter en elle-même le germe de l'insatisfaction.

« Au fond de son âme, cependant, elle attendait un événement ». Cette phrase de Flaubert qui ouvre, en exergue, la deuxième partie du roman de Sophie Divry est bien vite suivie, dans la vie de M.-A… de l'achat d'un nouveau téléviseur, puis de l'idée d'acquérir une maison individuelle et d'avoir un second enfant.

De cette absence d'intrigue, de ce déroulement prosaïque de menus faits, Sophie Divry parvient à tirer un roman qui exerce sur le lecteur une certaine fascination, car, homme ou femme ont, ou auront un jour ressenti les mêmes émotions que M.-A. Un moyen de nous rappeler ainsi, comme Flaubert que nous aussi, nous sommes un peu M.-A. ?

 
« La Condition pavillonnaire », de Sophie Divry. Ed. Noir sur Blanc, collection Notabilia, 272p., 17€