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Unis pour l’emploi

3 avril 2014 | Mise à jour le 4 mai 2017
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Unis pour l’emploi

Contre l'austérité, pour une « nouvelle voie pour l'Europe », la CGT, la CFDT, la FSU, l'UNSA et la Confédération européenne des syndicats (CES) ont appelé à une euromanifestation à Bruxelles le 4 avril. Leur but ? L'adoption d'un grand plan européen pour l'investissement afin de créer onze millions d'emplois. Un tournant vers l'unité dans l'histoire du syndicalisme européen.

La crise et l'austérité ont été le prétexte à un grave tournant social en Europe. Les syndicats sont de plus en plus marginalisés, leurs prérogatives limitées voire brutalement supprimées dans les pays sous assistance financière comme la Grèce ou l'Italie. En témoignent les nombreuses plaintes portées par des syndicats contre leur gouvernement auprès de l'Organisation internationale du travail ou du Conseil de l'Europe. « Au prétexte que la crise s'est mise en place, un mode d'intégration fait converger les systèmes nationaux de relations professionnelles vers un modèle où le rôle des syndicats est de plus en plus restreint, ce qui était d'ailleurs l'un des objectifs énoncés par certains secteurs de la commission et par son président », constate Jean-Marie Pernot de l'Institut de recherches économiques et sociales, l'un des rédacteurs de la dernière Chronique internationale consacrée aux syndicats face à la nouvelle gouvernance européenne.

Si on transfère la compétence au niveau européen,
nous courons le risque d'affaiblir
les positions syndicales au niveau national

 

Le chercheur pointe la quasi-destruction du système de négociation professionnelle dans les pays sous mémorandum, alors que les systèmes des autres pays sont aussi battus en brèche par les recommandations aux gouvernements issus des semestres européens : contrôle de l'évolution des salaires encadré par l'UE, assouplissement de la réglementation du marché du travail, multiplication des pressions pour décentraliser la négociation collective…

Au-delà de marquer un tournant pour l'Europe sociale, ces attaques ont depuis provoqué un autre virage, mais du côté des syndicats cette fois. Critiques, combatives, les organisations revendiquent ensemble « une autre voie pour l'Europe », autour du modèle social européen. « Il y a une tendance croissante à l'européanisation dans le mouvement syndical », remarque Jean-Marie Pernot. Tout comme Marcel Grignard, de la CFDT, qui explique « qu'il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain », Michel Guerlavais, de ­l'UNSA, rappelle que « les décisions au niveau de l'Europe sont prises par les États membres. Il faut faire le distinguo et renvoyer les responsabilités à qui de droit ». Et s'il condamne sans réserve « les utilisations faites des instruments de la gouvernance au service d'une orientation libérale », le syndicaliste affirme que l'UNSA est « extrêmement favorable à plus d'intégration européenne et donc à une nouvelle gouvernance économique notamment de la zone euro ». « Les outils qui ont été mis en place accordent aux État membres un droit de regard des uns sur les autres mais la solidarité est à ce prix. L'intégration européenne est nécessaire et elle signifie qu'on fasse plus de choses en commun pour construire l'Europe. C'est, à terme, la dimension politique qui est posée. »

Et les partenaires sociaux, comme ils l'ont affirmé au niveau européen, veulent prendre place dans cette gouvernance économique en utilisant les outils qui existent déjà.

 

La CES durcit le ton
La confédération européenne des syndicats a durci le ton sur les politiques menées au nom de l'Europe face aux demandes de ses affiliés. La confédération allemande DGB a clairement pris position contre cette politique européenne ressentie comme inspirée par l'Allemagne. Un acte fort, apprécié par les syndicats des pays du Sud, qui a renforcé la cohésion au sein de la CES. Le 25 janvier 2012, la CES adoptait une déclaration d'opposition au nouveau traité sur la stabilité, la croissance et la gouvernance de l'Europe, le fameux TSCG.

Pour Jean-Marie Pernot, « c'est une première depuis la naissance de la CES qu'elle refuse ce qui est présenté comme une nouvelle volonté d'intégration. Jusque-là, la CES préférait toujours une avancée même insatisfaisante ». La difficulté désormais est d'avancer groupé au niveau européen, d'éviter le repli syndical national, et de faire converger dans chaque pays les positions syndicales.

Or, pour Ronald Janssen, de la CES, il existe aussi un paradoxe syndical par rapport à la gouvernance européenne : « Dans cette union monétaire avec une politique monétaire unique, nous ne pouvons pas nous permettre des politiques économiques divergentes au niveau des États membres. Nous ne pouvons pas nous permettre qu'un État membre au cœur de la zone euro pratique pendant une décennie une politique de déflation salariale compétitive. Celle-ci a contribué à déstabiliser la zone euro. Si la CES, les syndicats, sont convaincus de la nécessité de règles économiques communes, nous sommes au même moment dans un état de perplexité totale en constatant que les règles se basent sur cette compétitivité de déflation salariale au lieu de la limiter, on l'élargit à tous les autres pays de la zone euro. Mais établir et appliquer des règles économiques communes implique aussi un transfert de compétence du niveau national au niveau européen en particulier dans le domaine du salaire. C'est un problème existentiel fondamental pour les syndicats européens, parce que le pouvoir des syndicats, pour contrebalancer les intérêts des employeurs, existe au niveau national. Si on transfère la compétence nationale au niveau européen, nous courons le risque d'affaiblir les positions syndicales au niveau national au moins à court terme. »

 

Légitimité des acteurs

Même si les divergences syndicales sur l'Europe subsistent, notamment au niveau des salaires, les syndicats arrivent à se parler à différents niveaux européens (responsabilités tournantes dans la CES, fédérations professionnelles, équipes syndicales des grandes entreprises, comité pour le dialogue social européen…). Les organisations se demandent comment créer un nouveau rapport de force, appuyé sur des pressions nationales, mais au niveau européen, et peut-être poser la question de la légitimité des acteurs. « La commission européenne a une légitimité juridique, conclut Bernard Ibal président de l'IRES, tout comme le FMI [Fonds monétaire international], de même que la BCE [Banque centrale européenne]. En revanche, il n'y a pas de légitimité de la collusion des trois, cette troïka qui crée une force inouïe sans contrepoids. Là il y a un danger pour l'Europe. Les réactions syndicales sont positives avec les mouvements sociaux à l'initiative de la CES. Mais aussi le contrat social porté par la CES mais qui n'est pas assez connu. »

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Plus de 50 000 manifestants à Bruxelles

« Notre message est simple, a déclaré Bernadette Ségol, la secrétaire générale de la CES, mais c’est un message que les responsables européens ne veulent pas entendre. Notre message est que leurs politiques en réponse à la crise financière ne suffisent pas et ont en réalité aggravé la crise sociale et économique. Notre message est que l’austérité ne fonctionne pas ».

La preuve ? Plus de 26 millions d’Européens sont sans emploi. Il y a 10 millions de chômeurs de plus qu’en 2008 et, dans 18 des 28 pays de l’Union européenne, les salaires réels ont chuté. « La situation des jeunes est pire encore : 7,5 millions de jeunes Européens ne travaillent pas, ne suivent pas d’études ou de formation. Nombreux sont ceux parmi les plus éduqués et les plus entreprenants qui, tout simplement désertent leur pays d’origine pour chercher du travail ailleurs », a ajouté Bernadette Ségol, qui a évoqué le risque d’une« génération perdue ».

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Question a…

Marie-France Boutroue,
responsable du Pôle Europe à la CGT

 

Décrypter pour agir sur le terrain

 

nvo : Comment s'organiser entre confédération et fédérations ?

Marie-France Boutrouec La CGT a beaucoup progressé sur le fait d'aider nos organisations syndicales à s'emparer de la question européenne. La confédération siège à la CES : nous pouvons intervenir à ce niveau et rendre compte de ces éléments aux fédérations syndicales nationales. Nous réfléchissons ensemble à comment nous pouvons intervenir y compris dans le champ professionnel et en direction des autres organisations syndicales des autres pays.

Il faut se connaître, il faut s'apprécier, savoir comment ça se passe ailleurs. Pour la journée européenne du 29 septembre, il a fallu une somme d'énergie en direction des organisations syndicales dans les entreprises pour obtenir la participation de 8 000 manifestants à Bruxelles. Nous avons aussi beaucoup travaillé sur le TSCG et comment, notamment en France, la négociation collective et la modération salariale peuvent être impactées, comme par exemple les administrations publiques avec le gel des salaires de fonctionnaires.

Aujourd'hui vous avez aussi un impact direct au niveau des régions : quand on supprime 4 milliards et demi au niveau des régions de dotation globale de l'État et que ce sera aux régions, notamment par le Fonds social européen, d'aller trouver de l'argent. C'est un engagement européen d'avoir des fonds mutualisés pour mettre en œuvre l'investissement. Mais il est évident que ce n'est pas au niveau de la CES que tout ça va se gérer. C'est bien à partir des branches d'activité, des bassins d'emploi qu'on va regarder de quelle manière les organisations syndicales vont pouvoir intervenir pour aller chercher les financements.

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En savoir +

« Les syndicats face à la nouvelle gouvernance européenne »,
Chronique internationale de l'IRES, novembre 2013.

Voir l’interview de Frédéric Imbrecht, dirigeant de la CGT.

Voir aussi le débat entre Robert Salais, économiste et professeur à l'ENS de Cachan et  Joël Decaillon, ancien secrétaire général adjoint de la CES.