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Victoire chez Legrand Limoges

28 février 2015 | Mise à jour le 16 mars 2017
Par | Photo(s) : Michel Gangne / AFP
Victoire chez Legrand Limoges

Après le travail d'information et consultation mené par la CGT, le mouvement de grève de toutes les catégories de personnel dans l'entreprise pour de vraies NAO a abouti à un succès.

Aux usines Legrand de Limoges (spécialiste des infrastructures électriques et numériques du bâtiment), la négociation annuelle obligatoire (NAO) s'annonçait comme une désagréable formalité. Ce groupe leader en matériel électrique, né à Limoges où il a toujours son siège social et d'importantes unités de production, a supprimé 1000 emplois en Limousin entre 2006 et aujourd'hui. Dans cette même période, l'investissement industriel a chuté tandis que les dividendes versés par cette entreprise du CAC 40 augmentent chaque année, comme augmente la part du chiffre d'affaires consacrée au rachat d'actions et à des opérations financières.

Pas de perspective d'embauches autres qu'une quinzaine de «contrats de génération» alors que l'âge des salariés s'élève au rythme des baisses régulières d'effectifs. Comme le constate un ouvrier : «les anciens partent sans avoir eu l'honneur de former un jeune». Quant aux salaires, si leur moyenne est relativement élevée, c'est en raison du travail de nuit (les postes ouvriers sont pour la plupart aux 3 x 8) mais sans cette majoration légitime, on serait proche du Smic horaire. C'est pourquoi, lorsque la direction aborde la NAO en proposant une augmentation de 0,1%, c'est vécu comme une insulte. Mais l'action des salariés a changé la donne…

SYNDICALISME DE PROXIMITÉ

Olivier Ten, secrétaire du syndicat CGT, explique : «Depuis début décembre, nous informons et consultons : pas moins de onze tracts et un questionnaire en deux mois. Nous faisions remplir le questionnaire devant les machines à café, en discutant… et il nous a permis d'établir nos revendications pour la NAO en partant vraiment de ce que les salariés voulaient.»

La CGT a donc établi une plate-forme revendicative pour aborder de façon offensive les négociations et a poursuivi des échanges et discussions touchant de plus en plus largement les salariés. Il s'agissait de créer un rapport de forces qui s'appuie sur le ressenti, les aspirations et les capacités de mobilisation du plus grand nombre. À la suite de ces débats informels et publications syndicales, une assemblée générale a décidé de peser sur le contenu des accords par un mouvement de grève. C'est sur le site de Romanet, bien connu des Limougeauds, que des piquets de grève ont été mis en place et qu'un blocage a été organisé en février.

ILS L'ONT FAIT !

Entre-temps, les salariés avaient collectivement réfléchi à l'organisation de leur mouvement. Les ouvriers des trois ateliers du site de Magret ont décidé de débrayer par roulement de deux heures pour tenir les piquets de grève tout en se donnant les moyens de faire durer l'action le temps qu'il faudrait. Pas facile d'être en grève sur les heures de nuit, de 1h à 3h par exemple, puis de reprendre le travail jusqu'à 5h du matin… mais ils l'ont fait !

Les trois autres syndicats de Legrand (FO, CFDT et CFE-CGC) ont rejoint la CGT dans une intersyndicale, d'abord construite à la base, qui a vu officiellement le jour après la première des quatre réunions prévues avec la direction, lorsque le mouvement revendicatif avait déjà pris une certaine ampleur.

RÉORIENTER L'ARGENT VERS L'EMPLOI

«Tous les jours, il y avait de nouvelles têtes aux piquets de grève » nous dit Olivier Ten, « et toutes les catégories étaient représentées. Le besoin de reconnaissance du travail effectué, qui passe par des embauches, a lancé dans le mouvement des employés du siège que l'on n'avait jamais vus en grève jusqu'alors.»

La créativité des salariés s'est déployée dans les slogans, les banderoles, les affichettes, les contacts avec la presse… Il y a de la fierté à mener un mouvement qui défend le développement industriel et l'emploi contre la financiarisation de l'économie. Sans doute l'idée qu'il est possible de réorienter l'argent vers l'emploi est-elle d'ailleurs de plus en plus populaire, si l'on en juge par la bonne couverture médiatique du conflit. Olivier Ten se réjouit du rôle qu'ont joué tant la presse écrite régionale («L’écho du centre» et «Le populaire») que les médias du service public (FR3 région et France bleue).

UN MOUVEMENT VICTORIEUX…

Et puis, le vendredi 13 février, après la troisième réunion de NAO, sur décision de l'assemblée générale, les piquets de grève ont été levés après une semaine d'action. S'il reste en effet quelques attentes déçues, il n'en demeure pas moins que le mouvement… a gagné !

Au lieu du 0,1% d'augmentation initialement annoncé, la direction de Legrand aborde en effet la quatrième réunion de NAO, le lundi 23 février, avec la proposition d'une augmentation générale des salaires de 1%. De plus, et c'est essentiel pour les plus bas revenus, une augmentation minimale de 30 euros par mois est actée. À cela s'ajoute une enveloppe d'augmentations individuelles et une pour accompagner les évolutions de carrière, mutations et promotions. Enfin, au lieu de 15 embauches sur la région, il est prévu d'en réaliser 50. D'autres revendications plus locales et spécifiques portant sur l'organisation du travail ou la fixation des congés, ont également été prises en compte.

… ET QUI APPELLE DES SUITES

La NAO de Limoges est la première du groupe Legrand, celles des autres sites français (Isère, Seine-Maritime, Oise, etc.) doivent avoir lieu dans un proche avenir. Gageons que l'expérience d'une lutte bien menée et en grande partie victorieuse servira aux syndiqués et salariés des autres entreprises.