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MÉDECINE DU TRAVAIL

« Les employeurs veulent faire peur à tous les médecins »

27 mars 2017 | Mise à jour le 27 mars 2017
Par | Photo(s) : Vanina Le Gall / Maxppp
« Les employeurs veulent faire peur à tous les médecins »

Le 04/11/2016 Sanction confirmŽe pour deux mŽdecins du travail Dominique Huez, aujourd'hui retraitŽ, donne beaucoup de son temps pour dŽfendre ses confrres sujets ˆ des plaintes. (MaxPPP TagID: maxnewsworldfour201435.jpg) [Photo via MaxPPP]

Le thème du burn out s'est invité dans la campagne électorale. Le débat a-t-il un sens quand des employeurs menacent de saisir le Conseil de l'ordre du cas des médecins qui attestent du lien entre la santé et le travail d'un salarié ? Dominique Huez témoigne de la gravité de l'attaque patronale.

Dominique Huez est le secrétaire général du syndicat CGT des médecins du travail des industries électriques et gazières.

 

NVO. En tant que médecin du travail, vous êtes poursuivi depuis plusieurs années par un employeur, la société Orys. Pouvez-vous nous rappeler les faits et expliquer où vous en êtes aujourd'hui ?

Dominique Huez. Depuis six ans, je subis un acharnement de la part de Orys, une société sous-traitante d'EDF, qui me reproche un certificat médical que j'ai rédigé pour sauvegarder un de ses salariés vu en urgence. Or, deux ans après, ce salarié s'est vu reconnaître le harcèlement moral par son entreprise, qui a été condamnée à verser 20 000 euros. L'entreprise n'a pas fait appel de ce jugement, et le salarié a obtenu un départ conventionnel sans clause de confidentialité pour environ 80 000 euros. Pour ce qui me concerne, j'ai reçu un avertissement du Conseil de l'ordre. Tout comme trois autres médecins confrontés à des affaires similaires, je suis en attente d'un recours en cassation devant le Conseil d'État. Cependant, la chambre disciplinaire de l'Ordre des médecins veut m'obliger à payer immédiatement mille euros pour les coûts de la procédure de la société Orys. Or, mon propre employeur, qui me doit la défense matérielle, a refusé de la régler. Pour l'heure, mes frais d'avocat s'élèvent à 16 000 euros. J'ai décidé de ne pas payer ces mille euros avant le jugement du Conseil d'État. Pour m'y contraindre, la société Orys a saisi mes deux voitures et fait fermer mon compte bancaire.

 

Pourquoi la décision du Conseil d'État est-elle si importante ?

L'enjeu, c'est la suppression de la capacité des médecins de signer des attestations leur permettant de prévenir les conséquences des atteintes à la santé au travail. A ma connaissance une centaine de plaintes ont été déposées par des employeurs auprès du Conseil de l'ordre. Devant de telles injonctions, la moitié d'entre eux reviennent sur leur diagnostic. Ceux qui résistent passent devant la chambre disciplinaire et 90% sont condamnés. Il s'agit de faire peur à tous les médecins, qu'ils soient médecins du travail, généralistes ou psychiatres pour qu'ils n'attestent plus du lien entre la santé et le travail. Si les plaintes déposées par les employeurs auprès de l'Ordre des médecins sont jugées recevables par le Conseil d'État, un employeur pourra s'opposer aux arrêts maladie et aux soins de tous les salariés devant l'Ordre des médecins, et ce sans même que le salarié-patient ne soit  entendu. En clair, il n'y a plus de pratique médicale.

 

La reconnaissance du burn out s'est invitée dans la campagne électorale, faut-il s'en réjouir ?

Le burn out est un mot-valise, un concept écran qui ne nomme ni les causes professionnelles, ni la pathologie. Les promoteurs du burn out disent qu'il n'arrive que par un mécanisme d'épuisement. Cela renvoie à un état particulier de la personne qui, en fin de compte, serait responsable de ce qu'elle n'aurait pas su gérer, se prémunir et moduler son engagement professionnel. Or, cela est en contradiction avec toutes les connaissances en termes de risques psychosociaux ou de psychopathologies qui expliquent le rôle déterminant des organisations du travail.

Le burn out est donc un mot bien pratique, car il ne nomme rien en termes de possible prévention du côté du travail. Et il ne nomme pas non plus un diagnostic médical qui pourrait être réparé en maladie professionnelle, ou encore aux prud'hommes ou au pénal. Les seules pathologies qui peuvent être réparées sont au nombre de trois : la dépression professionnelle, le syndrome post-traumatique et l'anxiété généralisée.

 

Pétition Pour défendre Dominique Huez et dénoncer les attaques contre la médecine du travail

Et que pensez-vous du rapport parlementaire sur le burn out qui a été présenté le mois dernier ?

Ce rapport a été écrit par un député, Gérard Sébaoun (PS), qui est un ancien médecin du travail. Il y explique que le burn out est un syndrome, c'est-à-dire que ce n'est pas une pathologie reconnue. Il y a un passage très intéressant, car il estime que les médecins devraient attester du lien entre la santé et le travail, mais qu'ils sont entravés en cela par l'Ordre des médecins qui le leur interdit. Il est dommage qu'il ne soit pas indiqué dans ce rapport ce qu'il faudrait faire. Or, c'est assez simple, il suffirait de rendre irrecevables les plaintes des employeurs auprès du Conseil de l'ordre. Au final, ce rapport est donc très positif puisqu'il donne acte que, dans les conséquences des burn out, il peut y avoir des psychopathologies, mais que les médecins sont empêchés par l’Ordre de faire leur travail.

 

Plus d'informations sont  disponibles sur le site de l'association Santé et médecine du travail