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AGROALIMENTAIRE

Victimes d’un même système

18 septembre 2017 | Mise à jour le 18 septembre 2017
Par et
Le journaliste Geoffrey Le Guilcher a travaillé dans un abattoir afin de témoigner, dans un livre, de la réalité de ces lieux tabous. Il raconte.

« L'abattoir est un lieu tabou de la société. Pour y accéder, j'ai présenté un faux CV et j'y ai réalisé une immersion de quarante jours. Les néons, les bruits, le sang sur la chaîne, on n'y prête pas attention parce qu'on essaie de suivre un rythme. Mais le plus dur, c'est l'odeur qui agresse avant même d'être sur le site… Assez rapidement, j'ai eu les doigts qui se bloquaient. Je relève à ce propos un rapport qui a été enterré et qui montre que presque tous les ouvriers des abattoirs sont victimes de TMS. Les campagnes de L. 214 sont considérées stigmatisantes par les salariés. En réalité, travailler dans les abattoirs c'est tabou. Ça arrange surtout les grands industriels qui s'en servent pour maintenir à l'écart de la société le traitement fait aux animaux et le traitement fait aux hommes.

Dans les abattoirs, les salariés sont littéralement foutus au-delà de 50 ans. Durant mon enquête, j'ai côtoyé une personne qui ne peut plus tenir ni la position assise, ni debout… La reconnaissance en maladie professionnelle n'est pas toujours possible, alors qu'on demande aux salariés de soulever parfois jusqu'à 100 kilos par minute. Pour autant, L. 214 n'est pas l'ennemie des ouvriers, mais des industriels. C'est parce que L. 214 s'est intéressée à la condition animale qu'on parle aujourd'hui de la condition ouvrière. En fait, hommes et animaux sont victimes d'un même système. D'un côté, les animaux perdent leur vie en dehors des normes établies et, de l'autre, les hommes perdent leur santé et sont maltraités. Il faut voir le management brutal auquel ils sont soumis !

Qu'on soit sensible ou non à la cause animale, le premier problème que je souligne, ce sont les effets du tabou. On cache une partie des ouvriers derrière des murs, et au sein même de l'abattoir la zone de la tuerie est cachée pour se prémunir des intrusions. Pour quelle raison ? Parce qu'il y a un nombre de ratés considérable. Et parce qu'il y a des gens pas formés, des cadences où on tue un cochon toutes les 20 secondes. Or, même avec le meilleur des saigneurs, ce n'est pas possible. Mais attention, le danger pour le futur de cette industrie ne vient pas tant des associations antispécistes que du steak synthétique. Les firmes américaines investissent massivement pour remplacer la viande par le steak in vitro. »