Roundup, la parole aux victimes

En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a déclaré le glyphosate « cancérogène probable », en contradiction avec les agences de santé américaines et européennes qui avaient assuré de l'innocuité du Roundup. À l'heure où le renouvellement de l'homologation du glyphosate est en question (aux États-Unis et dans l’Union européenne) on sait aujourd'hui que ces agences, comme l'UE, auraient cédé à l'intense et puissant lobbying de Monsanto pour remettre un rapport copie conforme de celui… de Monsanto !

Poursuivant avec constance son travail de lanceuse d'alerte, la journaliste et réalisatrice Marie-Monique Robin, qui a déjà mené de remarquables enquêtes sur le géant américain de l'agrochimie (Le monde selon Monsanto, Notre poison quotidien), donne à nouveau la parole aux victimes de cet herbicide, dont notre alimentation et donc nos organismes portent des traces.

En octobre 2016, à La Haye (Pays-Bas), un tribunal exceptionnel réunit victimes et experts des cinq continents pour faire le procès des effets du glyphosate sur la santé humaine, animale et l'environnement. Constitué à 41 % de glyphosate, le Roundup, herbicide total breveté depuis 1974 et entré dans le domaine public en 2000, contient également des agents permettant sa pénétration dans les plantes. Or, en 2016, c'étaient 800 000 tonnes qui étaient pulvérisées dans les champs et les jardins des particuliers.

Un scandale sanitaire et environnemental mondial

Malgré les dénégations de Monsanto, l'impact négatif sur la santé humaine, animale et l'environnement est de plus en plus évident. En témoigne la maman de Théo qui souffre depuis sa naissance d'une grave malformation de l'œsophage et de la trachée. Elle a en effet utilisé le Roundup pour désherber un pré alors qu'elle était dans ses toutes premières semaines de grossesse (elle ignorait alors être enceinte). Tout au long des témoignages, souvent poignants, de victimes très gravement atteintes, les effets délétères du glyphosate sont pointés. L'herbicide n'est pas seulement « cancérogène probable », mais perturbateur endocrinien, puissant antibiotique à large spectre (qui détruit les bonnes bactéries et accroît la résistance des mauvaises) et chélateur de métaux (c'est-à-dire qu'il capte les métaux avec lesquels il entre en contact, or les plantes comme les mammifères ont besoin de certains métaux pour vivre en bonne santé).

Les témoignages des victimes et de scientifiques indépendants présents à La Haye sont sans appel et effrayants : altérations des gènes pour tous les vertébrés, polyneuropathies toxiques sévères, multiplication des fausses couches, des malformations congénitales, des cancers, lymphomes non hodgkinien de stade 4 (rare chez l'humain) et pathologies rénales des riziculteurs de Sri Lanka (maladie inconnue dans l'île avant l'utilisation du glyphosate).

L'impact sur l'environnement et notamment les cultures OGM « Roundup ready » (75 millions d'hectares aux États-Unis) révèle un véritable écocide : propagation de plus de quarante maladies dans le soja OGM et prolifération de superbactéries résistantes. On retrouve du Roundup dans le fourrage des animaux, ce qui provoque le botulisme, devenu chronique depuis 1990 notamment en Allemagne. Au Danemark, avant l'introduction du soja OGM dans l'alimentation des porcs, les malformations de ces animaux étaient quasiment inconnues, aujourd'hui elles sont fréquentes…

On pourrait ainsi prolonger la liste des méfaits du Roundup… Le Roundup face à ses juges, documentaire de Marie-Monique Robin, et le livre qui l'accompagne sont des documents accablants. Non seulement sur le cynisme de cette firme, mais sur l'ampleur du scandale sanitaire et environnemental qui, pendant des années, a été masqué par des « scientifiques », de puissants syndicats de l'agroalimentaire et des politiques complices, empêtrés dans des conflits d'intérêts que ce procès entend bien dénoncer.

Son but ? L'inflexion du droit international pour obtenir la reconnaissance du crime d'écocide et l'arrêt de l'utilisation de ce toxique dévastateur. Une urgence, d'autant que Monsanto, en cours de fusion avec Bayer, pourrait alors échapper à de légitimes poursuites…

Le Roundup face à ses jugesThema, Arte, ce soir à 20 h 55