14 avril 2018 | Mise à jour le 14 avril 2018
Sur fond de conditions de travail déjà déplorables et des salaires de misère, le « plan de transformation » voulue par la nouvelle direction de Carrefour veut mettre à la porte des milliers de personnes. « Pas d'accord », répond la CGT !
« Casserolades » et « tambourinades » percutantes, sono à fond (On lâche rien, de HK), drapeaux et gilets rouges siglés de la CGT, banderoles, tracts à distribuer et pétition à signer, c'est le branle-bas de combat en ce vendredi matin devant le Carrefour Market de Bourg-la-Reine, dans les Hauts-de-Seine. La raison ? Il suffit de demander aux employés du magasin pour l'obtenir. « On manque de personnel ! » « Ceux qui sont malades ou en vacances ne sont pas remplacés et on doit travailler deux fois plus ! », « Comment je fais pour garder mes gosses jusqu'à 23 heures ? » « Si t'arrives avec 10 minutes de retard, on te les retire de ta paye ! », « On n'arrête pas et les salaires ne suivent pas ! »… Les salaires justement ? « 1 080 euros. À temps plein ! ». Silence. « Ici, c'est la troisième grève depuis le plan Bompard et il n'y a pas de résultats, pas de changements. 20 ans de boite et toujours rien. C'est dégueulasse ! », conclut cette caissière, approuvée par ses collègues.
10 000 postes menacés
C'est que le plan en question, « Carrefour 2022 » présenté le 23 janvier par le nouveau PDG, Alexandre Bompard, arrivé à la tête du groupe en juillet dernier après avoir sévi à la FNAC, ne fait pas dans la demi-mesure. Fermeture ou franchisation de quelque 300 magasins, dont les anciens Dia, réduction des surfaces de vente dans les centres commerciaux, automatisation, notamment dans les stations-service ou les caisses, « au total, c'est presque 10 000 postes qui sont concernés », selon Laurent Lamaury, délégué syndical national Carrefour Market. « Il y a une volonté de la direction de faire passer les magasins en location-gérance et de se débarrasser ainsi de la gestion du personnel. »
Difficile à admettre quand on sait que le groupe Carrefour récupère chaque année 400 millions d'euros d'aide aux titres du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) et de l'allègement des charges patronales. Surtout, déclarait 700 millions d'euros de bénéfices en 2017. Dont un peu plus de la moitié reversée aux actionnaires au titre de la répartition des bénéfices. Quand les salariés, eux, ne perçoivent que 7 %.
Et encore faut-il se battre pour les obtenir. Dans un premier temps, la direction leur avait en effet généreusement octroyé 57 euros. Puis, devant la grogne générale, avait rajouté 350 euros. Bien loin des 600 reçus l'année précédente. La grève quasi nationale, « historique », du 31 mars dernier, devait finalement fait fléchir les dirigeants qui décidaient de rajouter entre 70 et 150 euros, temps complet ou partiel, en… bons d'achat à utiliser chez Carrefour !
« On veut des salaires, pas des bons d'achat ! »
Un geste manifestement peu apprécié des salariés. « C'est une arnaque. Ils ne nous donnent rien puisqu'on est obligé d'acheter chez eux », s'insurge cette jeune femme. « Je ne paye pas mon loyer avec des bons d'achat ! », rajoute celui-ci. « Elle est où la répartition des bénéfices ? », se demande de son côté Laurent, le délégué, qui parle d'« humiliation » et appelle à une grande mobilisation générale des « Carrefour » lors des jours fériés du 1er et du 8 mai prochains. « Les salariés n'en peuvent plus. »
En attendant, devant le Carrefour Market de Bourg-la-Reine, c'est maintenant au tour des mégaphones de se faire entendre. « On veut des salaires, pas des bons d'achat », « Ton aumône, Bompard, on n'en veut pas », « Carrefour Market, on nous rackette »…