Macron, An I
Dans un entretien à la NRF paru début mai, Emmanuel Macron ose : « En réalité, je ne suis que l'émanation du goût du peuple français pour le romanesque. » Affirmant un optimisme nourri par l'idée selon laquelle « l'histoire que nous vivons en Europe redevient tragique » (!), il assume aussi son ambition et « la verticalité du pouvoir ». Si cette ambition a quelque chose de « romanesque », peut-être faut-il le chercher du côté d'un Rastignac, ce personnage de Balzac séduit par les ors de Paris, devenu banquier puis ministre fortuné.
Un an après son entrée à l'Élysée, les mots d'Emmanuel Macron disent en effet la morgue de classe, des privés d'emploi qui « [foutraient] le bordel » en défendant leur avenir, aux « fainéants et extrémistes » qui refuseraient ses réformes. Comme si sa vision du monde se résumait à sa propre formule : « Une gare, c'est un lieu où l'on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. »
Provocation ? Boudant Paris le 1er mai, il annonce au magazine américain Forbes (paru le 2 mai) son nouveau projet : supprimer l'impôt sur les plus-values mobilières que doivent acquitter les contribuables les plus riches partis à l'étranger. Une réforme de plus qui s'inscrit dans cette révolution libérale qu'il entend mener tambour battant : effondrement du droit du travail et des protections collectives, précarisation du salariat, privatisation des services publics… pour servir au grand patronat les marges dont il rêve.
Les mots et les actes, donc. La méthode, aussi. Réduisant la démocratie au seul vote à la présidentielle, quelles qu'en soient les conditions. Dédaignant les organisations syndicales. Envisageant une réforme constitutionnelle pour restreindre toute parole d'opposition. Les luttes de ce printemps marquent la limite d'une telle politique. Du privé au public s'exprime l'exigence de respect, de défense de l'intérêt général et d'un autre partage des richesses. Ni la répression ni l'arrogance ne pourront demeurer longtemps l'unique réponse de l'Élysée.