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Langage

Éléments de langage : le prêt-à-parler des dirigeants

6 août 2019 | Mise à jour le 3 juillet 2019
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Utilisés depuis fort longtemps dans la diplomatie, présents dans les médias depuis la percée du marketing dans la vie politique des années 1970, les « éléments de langage » envahissent l’espace public à partir de 2008 (présidence Sarkozy), jusqu’à ruisseler aujourd’hui dans la gestion des entreprises.

Mais de quoi s’agit-il ? Les éléments de langage (EdL pour les initiés) sont des formulations sur un sujet donné, préparées à l’avance dans le but d’être largement employées, tout en restant quasi identiques quels que soient les personnes qui les utilisent.

Les EdL représentent ainsi un avantage considérable pour tous ceux qui doivent porter la bonne parole dans les médias. Ils leur permettent de faire l’économie de construire une pensée qui leur serait propre, et au-delà, ils les dispensent même d’apprendre de fastidieux argumentaires et d’assimiler de difficiles raisonnements. Car les éléments de langage sont des mots, des expressions, des formules qu’il suffit de répéter.

Devant l’invasion de ces répétitions, devant le caractère artificiel, stéréotypé de ces kits de communication, certains ont pu évoquer la langue de bois, voire la novlangue. Et en effet, comme dans le roman d’Orwell, il est bien question, pour un responsable politique ou pour un chef d’entreprise, de maîtriser le discours de ses troupes dans le but de contrôler la réception de ce discours par les publics visés, et d'empêcher le plus possible toute réflexion critique.

Car il s’agit bien de communication, et non d’information, et encore moins de débat. On communique… à sens unique. On diffuse, on émet, avec l’objectif de « faire passer » les messages et non d’écouter, ni, a fortiori, d’échanger des points de vue ou de construire ensemble. La répétition incantatoire des éléments de langage doit marquer insidieusement les esprits, en masquant et lissant tout ce qui pose problème, mais surtout sans que soient dévoilées les visions du monde qui les sous-tendent. Semblables aux indicateurs quantitatifs qui dominent la vie des salariés, les EdL sont, comme eux, calculés pour simplifier à l’extrême des réalités complexes. Véritables poisons, ils imposent subrepticement une logique, une idéologie, en tentant d'empêcher leur remise en cause.

Mais pour combattre ceux qui les utilisent, ne tombons pas dans le piège qui consisterait à opposer nos propres éléments de langage à ceux de nos adversaires. À l’inverse, favorisons la dispute démocratique dans la diversité, le foisonnement fertile, voire le désordre d’un langage avant tout vivant.