À Paris, les livreurs à deux-roues se dotent d'un syndicat CGT
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Après quatre années de lutte judiciaire, le Conseil des prud'hommes de Paris a finalement tranché. Condamnant, le 6 février, la plateforme numérique de livraisons de repas à domicile Deliveroo pour travail dissimulé de l'un de ses coursiers, lequel demandait à ce que son statut d'auto-entrepreneur soit requalifié en contrat de travail en bonne et due forme, et l'obligeant à lui verser, au titre de dédommagement, la somme de 30 000 euros. Une première dans l'Hexagone.
« C'est la première condamnation d'une plateforme encore en activité », se réjouit Stéphane Fustec, conseiller fédéral SAP-CGT, ravi de voir que « ce fameux lien de subordination et de dépendance économique que l'on dénonce depuis longtemps a bien été démontré par les prud'hommes ».
« Les critères qui ont été retenus sont notamment l'existence d'un système de géolocalisation en temps réel qui est commun à tous les livreurs Deliveroo, le pouvoir de sanction envers les coursiers qui s'exerce à travers le contrôle de leurs prestations — si on n'est pas content d'eux on peut rompre leur contrat sans même avoir à donner un motif — et le fait que la rémunération soit unilatérale, c'est-à-dire que Deliveroo décide qui gagne quoi », détaille Me Kevin Mention, avocat au barreau de Paris spécialisé que les questions de Droit du travail et social, qui s'est occupé de cette affaire. « Difficile dans ces conditions d'imaginer les coursiers comme des indépendants. »
Ce premier signal fort donné par les prud'hommes ne doit cependant pas en rester là. « Cela fait des années que la loi de la jungle prime [dans les secteurs des plateformes numériques, NDLR] et il serait peut-être temps de donner un cadre législatif à tout cela », affirme Stéphane Fustec. « Cette décision doit interpeler d'autres acteurs, notamment politiques. » Or il faut le reconnaître, à ce niveau-là, c'est tout le contraire qui se passe, le gouvernement faisant les louanges de la start-up nation chère au président Macron. « La loi sur la mobilité encourage les plateformes en leur permettant de façon optionnelle de créer leur propre charte sociale. »
Un argument repris par Deliveroo qui rappelle que les choses ont évolué depuis que cette plainte a été déposée et que le Deliveroo de 2016 n'est pas celui de 2020. « C'est vrai que ça a changé », reconnaît Jérôme Pimot, cofondateur du CLAP 75, le Collectif des livreurs autonomes parisiens qui défend les droits et les conditions de travail des livreurs : « c'est pire ! »
Il en veut pour preuves les messages reçus « tous les jours, toutes les semaines », dans lesquels même les coursiers « qui ont des statistiques parfaites, qui suivent parfaitement les règles de Deliveroo » se plaignent, entre autres, de la façon dont sont gérés les plannings de travail. « C'est encore plus subordonnant aujourd'hui. »
Reste que la décision prise par les prud'hommes parisiens est loin d'être anodine. Car Me Mention avoue « avoir déjà plus d'une dizaine de dossiers entièrement constitués ou en cours de finalisation » contre Deliveroo en attente. Et d'autres pourraient suivre après cette première condamnation.
« Il y a un boulevard qui s'ouvre à nous », constate Stéphane Fustec. « L'enjeu, c'est de développer la syndicalisation dans le secteur et d'accompagner juridiquement les livreurs qui le souhaitent. Mais aussi suivre de très près tout ce qu'il se passe autour de l'économie de ces plateformes. »
Car la France n'est pas le seul pays concerné par cette nouvelle forme d'économie, cette nouvelle forme d'exploitation. « Il y a une vraie prise de conscience. Que ce soit outre-Atlantique, dans les pays européens, les pays nordiques, on voit bien que cela bouge partout. Et c'est tant mieux. »
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