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Muriel Pénicaud, ministre du Travail, avait annoncé la dégressivité de la prise en charge du chômage partiel.
Muriel Pénicaud, ministre du Travail, avait annoncé la dégressivité de la prise en charge du chômage partiel.
Alors que le gouvernement réduit de 15 % sa prise en charge du chômage partiel le 1er juin, quel premier bilan tirer de ce bouclier contre les licenciements et les faillites dû au confinement ? Le point avec Bruno Ducoudré, économiste à l'OFCE.
Le patronat a eu beau réclamer les prolongations jusqu'à la rentrée, l'État a décidé de réduire sa prise en charge du chômage partiel. À partir du 1er juin, les entreprises devront payer 15 % de l'indemnisation mise en place pour éviter une explosion des licenciements due au confinement. La prise en charge de l'activité partielle par l'État (deux tiers) et l'Unédic (un tiers) passera de 100 à 85 % de l'indemnité versée au salarié, dans la limite inchangée de 4,5 Smic.
Rien ne change pour les salariés qui continueront à percevoir 70 % de leur rémunération brute — soit 84 % de son salaire net et davantage si l'entreprise complète comme le revendique la CGT — et au minimum le Smic net. Rien ne change non plus pour les secteurs du tourisme, de la culture et de la restauration qui « faisant l'objet de restrictions législatives ou règlementaires particulières en raison de la crise sanitaire », continueront à bénéficier d'une prise en charge à 100 %. Reste qu'à l'aube d'un déconfinement croissant et deux mois et demi après sa mise en place, quel premier bilan tirer de ce dispositif estimé à 24 milliards d'euros de mars à mai ? A-t-il joué son rôle d'amortisseur social ? Avec quelles nuances ? Nous avons posé la question à Bruno Ducoudré, économiste à l'OFCE.
Un parcours du combattant
Bien sûr, mieux vaut un dispositif imparfait de chômage partiel que rien, comme aux États-Unis où les destructions d'emplois auraient atteint les 20 millions d'emplois. Mais le dispositif de prise en charge du chômage partiel à l'épreuve de la pandémie n'a pas été simple. Outre les fins de non-recevoir, l'adaptation — en catastrophe — de la plateforme permettant de faire les démarches administratives a supposé des obstacles techniques qui ont parfois carrément dissuadé des entreprises d'y recourir. « Deux mois après nos premières démarches, nous avons été acceptés dans le dispositif, mais nous n'avons toujours pas pu finaliser notre demande d'indemnisation. Quid du remboursement ? Quid des délais ? Pour l'instant, c'est nous qui avons avancé tous les financements nécessaires au maintien des salaires », résume cette responsable des ressources humaines d'une petite entreprise d'édition de la région parisienne.
Elle raconte les difficultés de connexion, les erreurs techniques, les allers-retours avec le service d'aide à distance… « C'était bien joli sur le papier, mais en coulisses, pour des petites structures comme nous qui n'avons pas de service strictement dédié et en plus des spécificités d'horaires de travail à faire prendre en compte… c'était plutôt le parcours du combattant. » Nouveauté du système mis en place à la hâte, vague massive de demandes, impatiences face aux risques encourus, la presse a relayé les premiers ratés du dispositif.
« Il y a eu des couacs, des problèmes pour enregistrer des demandes d'autorisation, se connecter au site… ça a pu être compliqué pour les entreprises surtout pour les petites et moyennes entreprises qui n'avaient pas forcément l'habitude d'entrer dans ce type de dispositif ni les ressources à distance pour faire leur demande, reconnaît Bruno Ducoudré, économiste à l'OFCE. Mais globalement, plus d'un million d'entreprises ont fait leur demande et plus 12 millions de salariés sont couverts. (…) Les entreprises se sont vraiment saisies du dispositif. »
Un dispositif massivement utilisé
Tant et si bien que certains employeurs ont pu y voir un effet d'aubaine pour faire travailler leurs salariés aux frais du contribuable… Selon une enquête réalisée auprès de représentants de salariés par le cabinet Technologia, « 24 % des employés en chômage partiel total auraient été amenés à poursuivre leur activité à la demande de l'employeur ». De multiples témoignages de salariés écoeurés de la logique opportuniste de leur employeur ont circulé sur les réseaux sociaux et plusieurs articles ont relayé l'information dans la presse, dont celui intitulé « Tout le travail que j'ai fait, c'est l'État qui l'a payé » : des salariés dénoncent des fraudes au chômage partiel », paru le 26 mai, dans Le Monde.
Dans l'étude, plus de la moitié des élus et responsables syndicaux dont l'entreprise a eu recours au chômage partiel, confirment d'ailleurs que des salariés sous ce dispositif ont effectivement continué à travailler. Pis, certains l'auraient même fait de leur propre initiative, craignant de perdre leur emploi dans la tourmente. Une hypothèse que tempère Bruno Ducoudré.
« Quand on recoupe les chiffres de l'INSEE concernant les effets du confinement sur l'activité économique dans les différentes branches d'activité avec ceux des demandes d'indemnisation, on ne voit pas de gros écarts pour le moment. Or, on s'attend à ce que les demandes d'indemnisation soient le plus élevées là où l'activité a le plus fortement freiné, explique l'économiste. Il a pu y avoir des abus de bonne foi, le temps que les choses se mettent en place (…) d'autres ont pu essayer de profiter du dispositif pour gagner sur tous les tableaux, c'est-à-dire continuer à faire travailler leurs salariés sans que ça leur coute rien. »
Les plus précaires, les plus mal lotis
Malgré la réduction des licenciements que le dispositif de chômage partiel aura permis, les réductions d'effectifs ont continué, essentiellement à travers le non-renouvèlement de missions d'intérim et de CDD. Quelques aménagements de droits notamment pour les intermittents du spectacle ou le report des mesures qui devaient modifier le calcul des indemnités au 1er avril n'auront pas suffi à éviter la réalité du chômage. Certains auront subi la double peine de la perte d'emploi et de la réforme du chômage entrée en vigueur au 1er novembre qui compliquait les conditions d'accès. « Les statuts précaires ont davantage encaissé le cout de la crise en se retrouvant au chômage sans indemnisation, au RSA voir rien du tout pour les moins de 25 ans », conclut l'économiste.
Pis, avec la réduction de la prise en charge, « il faudra s'attendre, c'est inévitable, à ce que les entreprises commencent à licencier économiquement », a mis en garde de son côté François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME).
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