
« Nous proposons seize mesures pour défendre l’emploi »
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Sophie Béroud : Oui, on a vu une volonté de combiner des formes plus classiques de mobilisation – par la grève, les manifestations – avec d'autres qui permettent d'investir l'espace public, de sortir de l'entreprise et de s'adresser à l'extérieur : à l'opinion publique mais aussi aux médias, aux politiques qui refusaient de voir que la mobilisation contre la réforme des retraites est aussi forte. Ces actions peuvent impliquer aussi ceux qui ne participent pas d'habitude à des actions plus classiques. Cela renvoie à l'inventivité des salariés mobilisés. C'est très complémentaire avec les mobilisations classiques, cela ne s'y substitue pas.
Erik Neveu : Leur logique principale tient en large part au sentiment d'une efficacité insuffisante des formes classiques de manifestations. De la réforme Sarkozy des retraites, des lois travail sous Hollande puis aux réformes de la présidence Macron, on a vu de hauts niveaux de mobilisation produire peu d'effets sur le blocage ou la réécriture de projets de loi. Les mouvements se heurtent à une combinaison de répression forte et de tactique de l'édredon : manifestez si vous voulez on n'en fera rien.
Beaucoup de personnes ou de collectifs, qui n'ont aucune envie de céder, explorent donc des formes alternatives. Pour certains groupes qui ont des effectifs modestes et un statut symbolique valorisé comme les avocats, ce seront des gestes symboliques comme de jeter leurs robes. Pour les artistes de L'Opéra, ce sera de tirer profit de leurs savoir-faire pour monter un spectacle.
Sophie Béroud : Il y a une volonté de produire des évènements dans un monde de plus en plus médiatique et connecté afin de faire entendre la cause qu'on défend. Cela s'est fait dès les années 1980 avec Act up, qui a réalisé des actions très visuelles [pour alerter sur l'inaction des pouvoirs publics face à l'épidémie de Sida], comme les die in sur les places publiques, l'explosion de poches de sang.
Cela a été repris dans les années 90 lors de conflits locaux, au moment des fermetures d'usine, avec les opérations ville morte. Ou en Espagne à la suite du Mouvement des Indignés, avec les « marées » lors des manifestations : des salariés de différents secteurs portaient des tee-shirts de différentes couleurs pour rendre bien visibles leur cause (ceux de la santé, de l'éducation…etc.)
Erik Neveu : Elles ont des effets de captation de l'attention des médias parce qu'elles sont inhabituelles ou colorées, drôles, émouvantes, parce qu'elles cassent la routine visuelle des images de manif. Oui elles sont pensées pour les médias, dans le sens où une mobilisation qui n'est pas visible perd beaucoup de son potentiel de rayonnement, de transmission de sa cause. Mais ce n'est pas un spectacle, elles expriment la colère, la révolte, parfois la rage quant aux effets des réformes.
Sophie Béroud : En 36 et en 68, rendre visuel le conflit était moins nécessaire car on occupait massivement les entreprises. On faisait venir des compagnies de théâtre dans les usines. Depuis les années 2010, il est plus difficile de mobiliser dans les entreprises ou même au sein de l'hôpital public à cause de la continuité des soins. D'où la nécessité d'extérioriser la scène de la contestation. Les salariés se tournent vers d'autres modes d'action, sur les ronds-points, les péages, les dépôts…
Et il y a aussi l'idée qu'une multitude de micro mobilisations peuvent « emboliser » le système, le bloquer. Soit en visant des centres névralgiques (ports, raffineries), soit en multipliant les scènes de mobilisation dans des dizaines ou centaines de lycées, de facs… Comme hier les gilets jaunes ont inventé le carrefour comme lieu de mobilisation.

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