« Le Beauvau de la sécurité va expliquer que c'est la société qu’il faut changer »
Tout un symbole. Le 8 février, la première table ronde du Beauvau de la sécurité, sur le lien entre police, gendarmerie et population, réunit Jérôme Fourquet, de l’institut de sondages Ifop, Christian Vigouroux, déontologue au ministère de l’Intérieur et Bruno Pomart, président de Raid Aventure Organisation. L’association, qui intervient avec des policiers bénévoles dans les quartiers, propose notamment un « atelier de découverte » de « maniement des bâtons de défense, menottage, palpation, techniques d'interpellation ».
Mais personne d’Amnesty International, qui publie le même jour une enquête sur « les arrestations et détentions arbitraires » lors de la manifestation du 12 décembre à Paris, contre la proposition de loi Sécurité globale. Amnesty international dénonce « une violation du droit à la liberté et à la sûreté de sa personne »< et rappelle que « sur les 142 personnes interpellées […] dix-neuf étaient mineures et près de 80 % ont été relâchées sans poursuite ». Le 12 décembre, Gérald Darmanin avait pourtant tenu en direct sur Twitter la comptabilité des interpellations de « casseurs venus nombreux ».
« Les personnes concernées ne sont pas invitées »
Le programme prévoit aussi une intervention du PDG de Dassault Systèmes sur l’encadrement, le 22 février, et de la DRH d’Axa sur la formation, le 8 mars. « Les personnes concernées ne sont pas invitées, commente Anthony Caillé, de la CGT Police. Et on ne peut pas traiter du lien police-population en une demi-journée. La CNCDH va émettre un avis sur la question, résultat de douze mois de travail et de dizaines d’auditions. Le Beauvau de la sécurité va expliquer que tout va bien dans la police et la gendarmerie et que c’est la société qu’il faut changer. »
Pour lui, la violence des interventions policières a pour but de convaincre « qu’aller en manifestation est dangereux ». Quant à l’ouverture de dizaines de milliers de postes de réservistes, de stages et de contrats d’apprentissage, ils ne sont pour lui que des « effets d’annonce » pour cacher une formation en déshérence : nombreuses fermetures d’écoles de police, cursus des gardiens de la paix passé de douze à huit mois…
« Avaliser des proposition écrites d’avance »
« L’objectif de cette opération gouvernementale n’est pas de recréer du dialogue ou d’instaurer un équilibre entre la population et les forces de l’ordre, mais d’avaliser des propositions écrites d’avance », résume la Coordination #StopLoiSécuritéGlobale. « On n’est pas surpris de ne pas avoir reçu de carton d’invitation », ironise Alex (prénom modifié), de Vies Volées, un « collectif de familles victimes de violences policières meurtrières ». « Puisque, officiellement, ils veulent restaurer la confiance, le point clé, pour commencer, c’est la mise en place d’un organe indépendant d’enquête sur les plaintes déposées contre les forces de l’ordre et le personnel pénitentiaire », confie-t-il.
Il estime par ailleurs que la « désescalade » de la violence est incompatible avec l’utilisation des LBD et des grenades. Enfin, « il faut associer les victimes [de violences policières] et leurs familles dès le début de l’enquête. L’autopsie, par exemple, ne devrait pas être menée tant que le médecin légiste n’a pas eu un premier contact avec la famille et les témoins, pour éviter qu’elle soit uniquement orientée par la version des forces de l’ordre ». Mais, reconnait Alex, pour de telles avancées, « il faut un rapport de force plus fort que celui qui existe actuellement ».