Mouvements sociaux : les femmes en première ligne
Pour Michelle Zancarini-Fournel, historienne et professeure émérite à l’université Lyon 1, nous vivons un moment d’insurrection féministe généralisée. Droit à... Lire la suite
C'est une oubliée de l'histoire. Un nom qui crie sa trop injuste absence des pages officielles de la Résistance, et de celles du syndicalisme. Et pourtant, en préambule de ce puissant documentaire signé François Perlier, lorsque Martha Desrumaux, immortalisée par Jean Renoir en 1936 dans le film La vie est à nous, pour la campagne électorale du Front populaire, délivre son discours militant (« Femmes de France, épouses, mères, fiancées, qui rêvez d'un avenir meilleur, aidez-nous à le réaliser… »), elle crève l'écran.
Carrure imposante, géante au regard clair, gouaille sans concession : Martha l'ouvrière, Martha l'illettrée, Martha la guerrière en impose. Par-delà son évident charisme qui fit trembler les patrons et se pâmer ses admirateurs posthumes, sa vie-même, en forme d'épopée, épouse les courbes douloureuses du XXe siècle – guerres, fascismes —, ses espoirs, la fierté de la classe ouvrière, l'engagement syndical à la CGT, l'apogée du communisme…
Gosse du Nord, employée de maison dès l'âge de neuf ans, elle rejoint l'industrie textile à dix, se syndique à treize… Parmi les combats ouvriers menés par une majorité d'hommes, sa voix précoce et féminine résonne, pour la défense des ouvrières, ses sœurs de corvée. Envoyée à plusieurs reprises en URSS, elle organise dans les années 1940 la lutte des mineurs contre l'occupant nazi. Déportée à Ravensbrück, elle témoignera à son retour des horreurs concentrationnaires… Et sera l'une des premières femmes élues députées en 1945.
Parce qu'il ne reste que quelques traces à peine de cette femme d'action, de terrain, parce qu'elle n'a laissé que peu d'écrits et de témoignages (à peine quelques coupures de journaux conservées dans un classeur légué à sa petite fille, qui témoigne dans le film), François Perlier, enfant de la gauche et de la culture ouvrière, réalisateur d'un documentaire sur une résistante, Camille Senon, la dame du pays rouge (2017), offre de la syndicaliste un riche et subtil portrait en creux.
Sur fond d'archives précieuses, méticuleusement choisies pour retracer le contexte dans lequel l'héroïne livra ses luttes, le documentaire laisse entendre deux voix : celle d'un narrateur qui propose ses clés de compréhension ; et celle de Martha, portée par une comédienne, qui éclaire la Grande Histoire de souvenirs précis, incarnés, parfois drôles, parfois cruels, toujours sensibles et émouvants.
Et puis, François Perlier fait appel, pour les nuances, les explications, à d'éminentes historiennes, parmi lesquelles Michèle Perrot, incontournable spécialiste de l'histoire des femmes et du mouvement ouvrier et Annette Wieviorka.
Diffusé pour la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, ce film s'inscrit à la lisière de la connaissance du monde ouvrier, de l'action militante, politique et syndicale, et du féminisme. Un documentaire où ces combats s'unissent chez la militante de chair et d'os et le personnage symbolique de Martha, à une époque où les femmes étaient soumises à l'autorité de leur père, de leur patron, de leur mari…
Aujourd'hui bien sûr, ce film résonne encore, pertinent et nécessaire : comme l'emblème d'une émancipation ; celui d'un engagement sans faille, à perpétuer ; d'un flambeau à transmettre… Comme un souffle qui jamais ne tarit — celui de Martha.
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