Lutter contre les haines anti-LGBTI, un travail syndical
Dimanche 17 mai a lieu la journée mondiale contre l’homophobie et transphobie. L’occasion d’évoquer les enjeux d’un chantier qui est aussi un domaine de travail... Lire la suite
Samedi 26 juin avait lieu la marche des fiertés LGBTI de Paris–Île-de-France qui est partie, pour la première fois, de Pantin, en Seine-Saint-Denis. Cette marche concluait presque un mois de juin « mois des fiertés » pour mettre en avant et expliciter les combats pour l'égalité des droits et la lutte contre les discriminations à l'encontre des personnes LGBTI.
« La CGT était présente à la marche, en lien avec l'Urif, explique Alexandra Meynard, sur un mode de manifestation revendicative. Nous sommes allés à la rencontre des associations sur le village associatif à Pantin ».
Une démarche « d'aller vers » qui est importante pour rendre lisibles et visibles les actions de la CGT auprès du public, notamment associatif « Le matériel revendicatif et de visibilité que nous avions fait éditer a été diffusé en très peu de temps et a inondé la manifestation. On a pu voir des drapeaux arc-en-ciel CGT dans tout le cortège. L'accueil qui nous a été réservé était vraiment très intéressant. »
En choisissant de porter un axe revendicatif centré sur l'ouverture de la PMA (procréation médicalement assistée) à toutes les femmes, la CGT était en plein dans l'actu.
Les débats parlementaires sur le projet de loi bioéthique se sont clos ce mardi 29 juin, avec le vote ultime à l'Assemblée nationale. Ce texte reste pourtant très controversé pour les associations qui travaillent sur ces questions (parentalité, filiation, procréation) et notamment les associations LGBTI.
Alexandra souligne que c'est la première fois que des organisations syndicales s'engageaient dans une démarche commune et cosignaient un texte pour appeler à participer aux marches fiertés partout en France. « C'est ce qui a bougé dans la CGT aussi, raconte-t-elle. En mai, un communiqué commun avec les organisations de jeunesse (Unef, UNL, MNL, Fidl) et la FSU et Solidaires a été diffusé. C'est une première. »
Dénonçant différentes régressions et créations de nouvelles différenciations voire discriminations, les associations n'ont pas manqué de réagir au vote final, arrivant à la fin du mandat de la majorité et après toutes les élections « intermédiaires ».
« Nous avons diffusé un communiqué mercredi 30 juin sur le vote du PJL bioéthique indique Alexandra Meynard. Nous y disions notre crainte de la marchandisation de la procréation, avec l'autoconservation des gamètes confiées à des établissements à but lucratif plutôt qu'à des centres publics, accessibles à chacun. La mise à l'écart des personnes transgenres et la filiation de parents des enfants transgenres sont aussi parmi les manques de ce texte. Et l'absence de points sur les personnes intersexes est un souci. »
Le collectif est aussi revenu sur l'avancée de ce texte : « On est effectivement satisfait de la PMA pour toutes enfin élargie avec le verrou médical qui saute, pour que les lesbiennes et les femmes célibataires puissent enfin y avoir accès. »
Mais en quoi ces questions, très généralistes et, en apparence, situées en dehors du champ du travail sont-elles à porter à l'intérieur d'un syndicat ? Et comment sont abordées ou intégrées ces sujets dans l'organisation ?
Pour Alexandra Meynard, la réponse vient facilement et illustre aussi la variété des thèmes et des sujets dont s'emparent les syndiqués : « La discrimination au travail est quelque chose qui rapporte aux employeurs. Pour couper les collectifs de travail et désigner des ennemis ou des gêneurs, c'est aussi parfois une stratégie pour empêcher la conscientisation collective. »
« On doit encore travailler pour que la question des luttes pour les droits LGBT soit une question portée plus fortement. De même que sur toutes les questions liées à l'égalité, on a aussi besoin d'une forme de tension un peu permanente et de pédagogie également afin que les questions revendicatives ne soient sur le “podium” qu'en fonction de ce que dicterait l'actualité. »
Pour la militante, si les questions LGBT sont souvent reléguées « en fin de liste de courses » des actions syndicales : « il existe encore un travail à mener pour continuer à expliquer que ces questions d'égalité et de lutte contre les discriminations sont celles sur lesquelles les organisations syndicales sont attendues par les travailleurs. » Citant des sondages diffusés par L'Humanité, elle rappelle que la lutte contre les inégalités est une des priorités des Français·es, « et les travailleurs nous attendent sur ces questions », conclut-elle.
Un travail au long cours a donc déjà lieu, au sein de la CGT, et d'autres organisations ont aussi un pôle, un comité ou une structuration en interne sur ces questions, parmi lesquelles la FSU et Solidaires. Pour Alexandra Meynard, le communiqué de mai a été une première pierre pour élaborer des travaux communs : « Ce premier communiqué collectif va donner lieu ensuite à une rencontre entre les organisations signataires et d'autres qui n'avaient pas signé. Y compris la CFDT qui souhaite discuter avec la CGT sur ces questions. »
Sur le sujet des droits LGBT en entreprise, on assiste le plus souvent à des discours bien rodés, mais lénifiants sur la nécessité de « l'inclusion » et de « la promotion de la diversité ». Un discours que les employeurs ont bien intégré comme une part de leur stratégie de communication.
« La signature de chartes est utilisée par les employeurs (entreprises privées et publiques) pour botter en touche pour ne pas former leurs managers, avoir des sessions de formation concrètes pour une inclusion réelle » tient à rappeler Alexandra Meynard. Ou pour éviter des droits réels et reconnus.
S'il ne s'agit pas de dire que rien ne se passe, cela n'est qu'un début, même s'il est bien fait. « On montre à tout le monde que l'entreprise se préoccupe de ces questions, mais, en pratique, il n'y a pas de suivi d'actes. Il faut rappeler que la charte n'est pas contraignante, tandis que des accords d'entreprise, négociés par les syndicats, eux le sont, même s'il faut aussi les défendre et les faire vivre. »
Pour nourrir ces travaux, le collectif a construit un discours revendicatif et prépare des outils.
Pour Alexandra Meynard, pas question donc de s'arrêter aux seules journées de défilés. « À la rentrée, nous sortons un guide d'action syndicale pour l'égalité LGBTI. Une campagne revendicative sera lancée, avec du matériel à destination des syndicats, dans l'entreprise. Il s'agit de porter la question de la lutte contre les discriminations dans l'entreprise et d'avoir aussi des points d'appui pour nos organisations, pour le travail avec les associations LGBTI et dans les moments de marche et des mois des fiertés pour qu'elles puissent répondre aux interpellations. »
Droits collectifs et individuels, gestion des items de négociation, et pratique… : le guide doit permettre afin d'avoir des accords dans les entreprises qui incluent concrètement les droits des personnes LGBTI, et de nourrir la réflexion syndicale dans le temps long, sur l'intégration de ce sujet dans les syndicats.
Alexandra est non seulement confiante dans l'intégration toujours plus forte de ces questions au sein des travaux syndicaux, mais elle note de vrais jalons qui sont régulièrement posés par l'organisation et ses militants. « Il faut aussi dire que la question de la PMA a été abordée en plein CCN (comité confédéral national) par des camarades dans les questions d'actualité, c'est quelque chose qui doit être noté. Et le collectif a été invité par les fédérations pour des temps d'étude et de sensibilisation. Ce travail a bien fonctionné et on a fait la démonstration que ces questions étaient prises en compte. »
« Même si on a encore des marges de progression au sein de l'organisation, on a de quoi se féliciter des avancées qui ont été faites. » Pour la première fois, avec Philippe Martinez, un secrétaire général de la CGT participait à une marche des fiertés, c'était en 2018.