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Télétravail

Entretien - Un cadre légal européen pour le télétravail

26 octobre 2021 | Mise à jour le 28 octobre 2021
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À l'appui de deux enquêtes successives sur le télétravail des ingénieurs, cadres et techniciens, l'Ugict-CGT poursuit sa bataille contre le télétravail en mode dégradé, l'ubérisation des droits, et pour son encadrement légal. Explications avec Sophie Binet, co-secrétaire générale de l'Ugict-CGT.
Quels enseignements majeurs tirez-vous de votre deuxième enquête sur le télétravail ?
NVO - La Nouvelle Vie Ouvrière, le magazine des militants de la CGT

Sophie Binet

Le principal enseignement qui se confirme de manière très nette, c'est la stratégie patronale de chantage au télétravail, présenté comme un privilège. Car quand 98 % des sondés disent ­vouloir continuer le télétravail, c'est cette aspiration que le patronat instrumentalise pour « ubériser » leurs droits, réaliser des gains de frais de structure et des gains de productivité importants. En effet, l'enquête montre que le télétravail induit une forte augmentation du temps, de l'intensité et de la charge de travail, et ce dans des conditions très dégradées puisque les trois quarts des employeurs n'ont pas mis en place les dispositifs légaux garantissant le respect du temps de travail.

Or, les conséquences sur la santé psychique et ­physique relevées dans cette deuxième enquête sont une vraie bombe à retardement. Autre aspect inquiétant : le cas des managers qui vivent très mal le télétravail du fait que c'est leur fonction même qui est abîmée, qu'ils sont moins soutenus par leur hiérarchie et n'ont pas les moyens de jouer leur rôle. Or, seuls 20 % de cette catégorie ont bénéficié d'une formation en management à distance. Ce qui nous fait dire, en conclusion de l'étude, qu'il y a une « stratégie du choc patronal » dont le but est de transformer en profondeur le travail et d'imposer une organisation en « flex office » généralisée pour réaliser des économies.

Quelles revendications émanent de ces constats ?

La première, c'est de revenir sur les ordonnances Macron de 2017 qui biaisent complètement le rapport de force puisqu'elles permettent de mettre en place le télétravail sans besoin de négocier un accord, sans cadre collectif ni individuel, sans avenant au contrat de travail. C'est donc d'abord ce point clé qu'il faut changer pour encadrer le travail à distance. Ensuite, nous voulons ­limiter le télétravail au mi-temps, d'abord pour en limiter les impacts sur la santé, mais aussi parce qu'à rebours du « flex office » [bureau flexible] imposé par le patronat, qui induit un télétravail de repli et non de volontariat, le temps plein accroît les risques d'externalisation du travail qualifié.

Du reste, seuls 14 % des sondés disent ­vouloir télétravailler à temps plein. Toujours en matière de prévention santé, nous portons l'exigence d'un droit à la déconnexion renforcé par des trêves de mails et de messagerie. S'agissant des managers, on propose non pas un droit, mais un devoir d'alerte qui les oblige, en cas de dysfonctionnements, à intervenir auprès de la hiérarchie et des IRP. Ce droit d'alerte renforcé doit être étendu aux IRP avec un accès systématique à l'information en matière de temps de travail et de charge de travail.

Télétravail : oui, mais pas sans nouveaux droits !

Faudra-t-il renégocier l'accord national interprofessionnel (ANI) de 2020 ?

C'est ce qu'il faudrait faire, mais je n'y crois pas trop, car le patronat refuse tout accord contraignant — sur ce sujet comme sur tous les autres. L'ANI de 2020 leur permet de prétexter qu'il y a déjà un cadre interprofessionnel et notre enquête démontre les conséquences du laisser-faire patronal… L'enjeu, c'est d'abord de corriger les reculs des ordonnances Macron, il s'agit donc de la responsabilité directe du gouvernement.

Dès lors, comment comptez-vous gagner ce cadre légal ?
L'Ugict-CGT remporte la présidence d'Eurocadres Le jeudi 21 octobre 2021, Nayla Glaise, dirigeante de l'Ugict-CGT, a été élue à l'unanimité à la présidence d'Eurocadres.

En repositionnant la bataille revendicative au niveau européen. C'est d'ailleurs à cet échelon qu'on avait obtenu un premier cadre légal en 2002, qui a ensuite été décliné dans l'ANI de 2005 – et qui était plutôt correct –, mais les ordonnances Travail l'ont détricoté. L'Ugict-CGT va présenter sa candidature à la présidence d'Eurocadres, ce qui nous permettra de tenir les rênes de la négociation européenne sur le télétravail dont nous exigeons, avec la CES [Confédération européenne des syndicats], l'ouverture début 2022. Ensuite, nous menons la bataille au niveau des branches et des entreprises. L'Ugict met notamment à disposition des syndicats une consultation adaptable et un accord type. L'accord gagné dans la fonction publique constitue un point ­d'appui à valoriser !

Quelle place accorderez-vous à ce sujet lors de votre congrès ?

Ce sera le thème phare de nos travaux. Et pour cause : dès le début du confinement, l'Ugict-CGT a compris que le télétravail serait appelé à devenir un sujet majeur et structurant, au point d'en faire sa priorité stratégique afin d'outiller nos organisations et combattre le « Far West » du télétravail.

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