24 mars 2022 | Mise à jour le 24 mars 2022
Licenciés après un entretien virtuel d'une demie-heure ! C'est ce qui est arrivé à 800 marins britanniques de P&O Ferries. Pas vraiment du goût des syndicats d'outre-Manche qui appelaient à se rassembler à travers le pays ce mercredi…
Douvres, Hull, Liverpool, en Angleterre, mais aussi à Cairnryan, en Écosse… l'appel des syndicats à un mouvement de grande ampleur ce mercredi 23 mars a été largement suivi. Et les mots d'ordre scandés d'un bout à l'autre de la Grande-Bretagne, « Boycottez P&O », « Sauvez nos marins », « Sauvez les ferries britanniques », témoignent de l'inquiétude, surtout de la colère des gens de mer outre-Manche.
Non sans raison. C'est en effet après un entretien non annoncé, et préenregistré, de 30 minutes sur Zoom que 800 marins de la compagnie maritime britannique P&O Ferries, laquelle s'occupe du transport de passagers entre la Grande-Bretagne et la France ou l'Irlande, ont appris jeudi dernier 17 mars leur fin de contrat dans les équipages de sa flotte britannique et qu'ils devaient dégager sine die les bateaux sur lesquels ils se trouvaient.
Les syndicats exigent des sanctions contre ces pratiques
« Scandaleux » pour le TUC, principale fédération syndicale locale, qui demande à ce qu'une loi mette fin à une pratique qui s'est répandue avec l'épidémie de Covid-19 et le recours au chômage partiel, laquelle consiste pour une entreprise à virer ses salariés pour les reprendre ensuite, avec des conditions de travail ou salariales moins avantageuses. Le syndicat appelant également au « retour immédiat de ces salariés à leur poste ». Mais surtout à « augmenter les sanctions pour les entreprises qui enfreignent le droit du travail, amendes actuellement très faibles ».
Une trahison à l’égard des travailleurs britanniques
Car, le scandale est d'autant plus important que P&O a fait savoir qu'elle compte désormais remplacer les licenciés par du personnel intérimaire, non syndiqué bien évidemment. Une « violation fondamentale des droits des travailleurs à la liberté d'association », selon les syndicats qui dénoncent également « une trahison à l'égard des travailleurs britanniques ». D'autant plus « inacceptable » que « l'entreprise a empoché plusieurs milliers de livres durant la pandémie » et que ces intérimaires seront payés à un prix défiant toute concurrence, si l'on peut dire. « La nouvelle que les marins maintenant sur des navires dans les ports britanniques doivent être payés 2,38 dollars de l'heure est une exploitation choquante de ces marins et une autre trahison déchirante de ceux qui ont été licenciés », tempête Mick Lynch, le secrétaire général du RMT, le syndicats des travailleurs des transports, qui n'hésite pas à parler de « gangstérisme capitaliste ». « L'État de droit et les normes acceptables d'emploi et de comportement décents se sont complètement effondrés. »
Les marins français ne sont pas à l’abri
Exagération ? Pas vraiment admet Pierrick Samson, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats maritimes français qui voit là « la résultante de la politique ultralibérale au niveau européen ». Résultante qui pourrait fort bien traverser la Manche. « Les marins français ne sont pas à l'abri de cela non plus », prévient-il. « Avec la possibilité de passer par des sociétés de manning pour embaucher les marins, c'est-à-dire des sociétés de travail temporaire, les armateurs peuvent maintenant faire appel à ces sociétés-là pour avoir de la main-d'œuvre pas cher, notamment des marins originaires des pays de l'Est. Cela accentue la concurrence déloyale. » La bataille judiciaire autour de la question de « service public » pour les liaisons entre la métropole et la Corse ainsi que les subventions européennes accordées à la compagnie italo-suisse « low-cost » Corsica Ferries montrent hélas que l'ultralibéralisation annoncée du secteur est déjà là…