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IMMIGRATION

Les travailleurs sans-papiers devant le Sénat

8 novembre 2023 | Mise à jour le 8 novembre 2023
Par | Photo(s) : Pierrick Villette
Les travailleurs sans-papiers devant le Sénat

Pendant les discussion au Sénat sur la loi immigration, la CGT organisait une manifestation réunissant plusieurs centaines de travailleurs sans papiers. Paris, le 7 novembre 2023

Plusieurs centaines de travailleurs sans-papiers ont manifesté devant le Sénat mardi 7 novembre 2023 pour témoigner de leurs conditions d'existence et peser sur les débats en cours sur le projet de loi immigration, largement dominés par les idées de droite. Alors que le Sénat a rejeté l’article 3 portant sur la régularisation sur les métiers en tension, la CGT appelle à une nouvelle manifestation jeudi 9 novembre.

Deux salles, deux ambiances. D'un côté, le Sénat, dominé par la droite s'emploie depuis lundi 6 novembre 2023 à durcir un projet de loi immigration déjà très restrictif, essentiellement centré sur le contrôle des flux migratoires et l'expulsion des étrangers délinquants. De l'autre, à deux pas du jardin du Luxembourg à Paris, plusieurs centaines de travailleurs sans-papiers ont manifesté mardi 7 novembre à l'appel de la CGT pour témoigner de leurs conditions d'existence et infléchir les débats parlementaires en cours.

Grève victorieuse

Issus d'Afrique de l'Ouest (du Mali, du Sénégal, de la Cote d'Ivoire, etc), ces hommes vivent en France depuis des années et se débrouillent comme ils peuvent pour travailler, majoritairement dans l'intérim (logistique, bâtiment, nettoyage, collecte des déchets). Le 17 octobre dernier, ils étaient entre 600-650 à démarrer une grève simultanément sur 33 piquets en Ile-de-France (Paris, Seine-Saint-Denis, Val de Marne, Hauts-de-Seine, Val-d'Oise) pour exiger leur régularisation. En quelques jours, cette grève éclair leur permettait d'obtenir de leur employeur le document Cerfa (demande d'autorisation de travail pour conclure un contrat de travail avec un salarié étranger) indispensable au dépôt de leur demande de titre de séjour en préfecture. « Le patronat du travail temporaire s'engage à leur fournir des missions pendant 8 mois sur la prochaine année pour assurer le renouvellement de leur titre de séjour », complète la CGT dans un communiqué. La nécessité étant de coller à la circulaire Valls de 2012 qui régit pour l'instant l'admission exceptionnelle au séjour, et qui exige notamment un engagement d'emploi sur douze mois. « Une fois que notre demande de titre de séjour sera déposée en préfecture, notre employeur, une agence intérimaire s'est engagé à nous faire travailler durant douze mois, dont quatre mois de formation, explique Ibrahima Traoré. Malien d'origine, le jeune intérimaire a tenu un piquet de grève à Clichy avec une vingtaine de camarades, contraints pour la plupart de travailler sous alias, en empruntant l'identité d'un proche. Lui enchaîne des missions dans le bâtiment. « Le fait de travailler sans les bons papiers te fait prendre de grands risques. On ne peut pas réclamer d'équipement de sécurité sous peine de connaitre un mauvais sort. En cas d'accident, on ne peut pas aller à l'hôpital se faire soigner. Il faut toujours se planquer, ne jamais se plaindre ». L'exil du jeune homme ressemble à une épopée. Débarqué en France en 2019 après avoir traversé la Mauritanie, l'Algérie, le Maroc, l'Espagne, il retrouve son père qui, sans nouvelles de lui depuis deux ans, le croyait disparu en mer. Ibrahima Traoré s'est décidé à préparer le mouvement de grève aux côtés de la CGT en avril 2023, parce que « seul, on n'a pas de force et que la CGT sait comment faire ».

La lutte continue

« Une première étape a été franchie avec l'obtention des documents Cerfa, même si deux agences intérimaires continuent de ne rien vouloir entendre, explique Alexia Muller, responsable de l'Union locale CGT du douzième arrondissement de Paris, une des nombreuses chevilles ouvrières de ce mouvement, en préparation depuis plus d'un an. Nous attendons maintenant une lettre de cadrage du Ministère de l'Intérieur ». La CGT a été reçue Place Beauvau la semaine dernière, elle plaide notamment pour un assouplissement de la circulaire Valls qui en l'état exige pour les étrangers travaillant dans l'intérim d'attester d'une durée de séjour d'au moins cinq ans en France et d'au moins 910 heures de travail dans l'intérim sur les vingt-quatre derniers mois. « Nous voulons des garanties sur un traitement identique des dossiers quelle que soit la préfecture, ajoute Jean-Albert Guidou, secrétaire CGT de l'UL de Bobigny, figure bien connue des luttes de sans-papiers. Ce membre du collectif confédéral « travailleurs migrants » enchaîne : « Gérald Darmanin ne fera rien pour régler la situation des travailleurs grévistes tant que le Sénat débat du projet de loi ».

Le Sénat restreint encore les possibilités d’obtention d’un titre de séjour

Dans la soirée du mardi, les sénateurs de droite et du centre s'entendaient pour rejeter l'article 3 du projet de loi immigration qui initialement, proposait d'octroyer « de plein droit », mais sous conditions, un titre de séjour d'un an renouvelable aux travailleurs sans-papiers dans des secteurs en pénurie de main d'œuvre. Selon l'AFP qui a obtenu une copie de la nouvelle version plus restrictive, cette dernière prévoit une régularisation « à titre exceptionnel », avec une « prise en compte » de la « réalité » du travail du demandeur, mais aussi de « son insertion sociale », de son « respect de l'ordre public » et de son « adhésion aux principes de la République ».

Reprenant les lubies de la droite et de l'extrême droite, le Sénat a aussi supprimé l'aide médicale d'Etat pour la remplacer par une aide d'urgence réduite à peau de chagrin. « L'immigration dans ce pays n'est pas un problème, elle contribue à la richesse de notre pays. A partir du moment où vous travaillez ici, vous devez avoir les mêmes droits que n'importe quel autre travailleur, c'est une question de justice. Comment exiger des augmentations de salaires quand des travailleurs sans-papiers sont exploités dans les vignes, sur les chantiers des Jeux olympiques ? On continuera de se faire entendre jusqu'à la victoire », s'époumone Gérard Ré, membre du bureau confédéral de la CGT, en charge des questions liées à l'immigration. Appelant à ce que le patronat de l'intérim intervienne « sans équivoque dans le débat sur la loi immigration, en faveur de l'égalité de traitement entre salariés pour la délivrance du titre de séjour par le travail », la CGT appelle à une nouvelle manifestation jeudi 9 novembre, devant le siège du syndicat patronal de l'intéril, Prism'Emploi.