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Idée reçue sur le budget : il faut responsabiliser les patients

25 août 2025 | Mise à jour le 25 août 2025
Par | Photo(s) : AFP / PASCAL POCHARD-CASABIANCA
Idée reçue sur le budget : il faut responsabiliser les patients

Suppression de deux jours fériés, remise en cause de la cinquième semaine de congés payés, massacre à la tronçonneuse dans la fonction publique, gel des prestations sociales, des milliards d'économies réalisés sur le dos des malades, des chômeurs et des retraités… Le projet de budget 2026 présenté par François Bayrou le 15 juillet comme un moment de vérité, est d'une brutalité inédite. « Les sacrifices pour le monde du travail ça suffit », a réagi l'intersyndicale qui a lancé une pétition pour demander l'abandon immédiat du projet de budget.  Les syndicats ont prévu de se rencontrer le 29 août pour construire la riposte. En attendant, la Vie Ouvrière questionne les mesures proposées, classiques de politiques austéritaires et les vérités énoncées par le gouvernement.

Dans la présentation de son plan « stop à la dette » qui prévoit d'amputer le budget pour 2026 de 43,8 milliards, le premier ministre François Bayrou a annoncé des économies sur la Sécurité Sociale à hauteur de 5,5 milliards d'euros. Comment ? En responsabilisant le patient, une antienne éculée avant lui par différents dirigeants, le président Emmanuel Macron, l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy, l'ex ministre de la santé Roselyne Bachelot, l'ex premier ministre Alain Juppé, pour ne citer qu'eux. Etant entendu que le patient enjoint son médecin de lui prescrire une ordonnance, des arrêts maladie, se précipite par plaisir aux urgences hospitalières, est responsable des pénuries de médicaments et des déserts médicaux !

Loin de la fraude sociale massive

Dans le viseur de l'exécutif, le doublement de la franchise médicale (somme restant à charge) de 50 à 100 euros par an et par assuré (avec paiement direct au comptoir de l'officine), le renforcement du contrôle des arrêts maladie pour limiter la hausse des dépenses d'indemnités journalières, une refonte de la prise en charge des affections de longue durée (ALD). « Les contrôles qui ont été exécutés sur les arrêts maladie de plus de 18 mois ont montré que pour 50% d'entre eux, ces arrêts de travail n'étaient plus justifiés », a asséné François Bayrou pour justifier son souhait de « mettre fin à la dérive des arrêts maladie ». Le premier ministre s'appuie sur le rapport annuel de propositions de l'Assurance maladie, qui plus précisément énonce : « des contrôles médicaux ponctuels sur les arrêts de plus de 18 mois ont montré que 54% des arrêts concernés par ces contrôles n'étaient plus justifiés avec la possibilité d'une reprise du travail pour le salarié ou d'un passage en invalidité ». L'agence APM News révèle que seuls 18 585 arrêts ont été contrôlés et que sur les fameux 54%, 12% seulement ont été considérés comme infondés et ont conduit le médecin conseil à acter une reprise du travail. On est loin de la fraude sociale massive.

Une hausse des arrêts maladie due en partie au vieillissement de la population active 

Par ailleurs, l'Assurance maladie souligne que la progression des indemnités journalières, de 6,3% par an entre 2019 et 2023, est due à 60% par des facteurs structurels et conjoncturels, à savoir le vieillissement de la population active, l'augmentation de l'emploi, la hausse des salaires. Autrement dit, le report de deux ans de l'âge légal de départ à la retraite risque d'aggraver la situation. Les 40% restant s'explique par une dégradation des conditions de travail, l'exposition à des pénibilités physiques et à des contraintes psychosociales. Mais sur ce sujet, Bayrou n'est pas inspiré. C'est aussi en partie le vieillissement de la population qui explique la forte augmentation des maladies chroniques (de type diabète, maladie cardiovasculaire, santé mentale, cancers…). D'après l'assurance maladie, les pathologies chroniques concernent près de 37% de la population et 62% des dépenses d'assurance maladie qui s'élèvent au total à 202,5 milliards. « Cette forte augmentation des pathologies chroniques se traduit par une mise en tension de notre système de prise en charge des soins qui reposent principalement sur le dispositif Affections Longue Durée (ALD) », écrit l'Assurance maladie. Ce dispositif permet à près de 14,1 millions de personnes de voir les soins liés à leur affection remboursés à 100%, pour un montant global de 123 milliards. Néanmoins, une étude de la Drees montre que le reste à charge est plus élevé pour les patients en ALD que pour le reste de la population, de 772 euros par an en moyenne contre 440 euros. Ce chiffre s'expliquant par les franchises médicales, les dépassements d'honoraires, les traitements indirectement liées à l'ALD. Revoir le dispositif ALD de manière à en faire sortir des bénéficiaires revient à rendre les patients responsables de leur maladie.

Payer nuit gravement à la santé

Plus globalement, le fait de rendre l'accès aux soins plus coûteux pour les patients sous prétexte d'économies risque d'avoir l'effet inverse à celui recherché. Les patients peuvent renoncer à se soigner, leur pathologie risque de se dégrader, avec au final une prise en charge plus lourde et plus coûteuse pour la société. « Responsabiliser le patient a en réalité, très peu de sens , car cela revient à dire que ce dernier est à l'initiative dans sa dépense publique de médicaments. Sauf que les médicaments remboursés sont, de fait, prescrits par un professionnel de santé. C'est le médecin et tout l'appareil institutionnel qui organisent la prescription, l'industrie pharmaceutique qui produit, qui fait de la publicité et qui est validée ou non par des recommandations de la haute autorité de santé (HAS) », expliquait Nicolas Da Silva, maître de conférences à l'université Sorbonne Paris Nord et auteur de « la bataille de la Sécu », dans le trimestriel de la Vie Ouvrière, consacré à la santé. « Seul le médecin est responsable des prescriptions, à côté de la puissance publique qui identifie les médicaments efficaces ou non, remboursés ou non. L'absence de choix politiques quant à la relance d'une filière nationale de production du médicament est criante, l'échec récent des négociations entre l'industrie pharmaceutique et le gouvernement qui n'a pas réussi à ce stade à imposer les prix des médicaments correspondant à ces objectifs d'économies, montre par ailleurs à quel point ces multinationales sont puissantes », décrypte la CGT dans une note.

Un manque de recettes, plus que de dépenses excessives

En 2024, le déficit de la Sécurité sociale était de 15,3 milliards d'euros. Il devrait atteindre 22,1 milliards en 2025 et 24,1 milliards en 2028. La branche maladie portant à elle seule 90% du déficit. Or, là encore, le problème tient plus aux moindres recettes qu'à des dépenses excessives. Ce que souligne la Cour des comptes: sur les 4,8 milliards d'euros de déficit supplémentaire en 2024, 3,7 milliards d'euros (77 %) venaient de recettes moindres que prévues, et 1,1 milliard d'euros (23 %) de dépenses plus élevées. Alors que les cotisations sociales constituaient 80% du financement de la sécurité sociale au début des années 80, les politiques d'exonérations de cotisations en ont progressivement modifié la nature, au point d'en représenter la moitié aujourd'hui. Avec un effet très relatif sur l'emploi. Toujours selon la Cour des comptes, « de 2014 à 2024, le total des allègements généraux de cotisations patronales du secteur privé a presque quadruplé, passant de 20,9 milliards d'euros à 77 milliards d'euros, dont 64 milliards d'euros au titre des cotisations de Sécurité sociale ». De plus en plus de voix s'élèvent aujourd'hui pour dénoncer le coût trop élevé de ces exonérations de cotisations sociales et pour faire en sorte de désintoxiquer des entreprises devenues accros.