Deux clochards, Vladimir et Estragon, attendent en vain un énigmatique personnage du nom de Godot, au pied d'un arbre décharné et s'emploient à remplir leurs journées pour faire passer le temps. «On trouve toujours quelque chose, hein Didi, pour nous donner l'impression d'exister?», lance Estragon. Lorsque, au second acte, une branche verte apparaît sur l'arbre, on comprend que les deux comparses poireautent depuis un bail…

Heureusement, il y a eu le passage de Pozzo (Marcel Bozonnet) et de son fidèle Lucky (Jean-Lambert-wild, époustouflant dans un long monologue complètement déjanté), deux improbables augustes pour les distraire un peu. Mais l'impatience pointe alors que Godot ne vient toujours pas… Las, Estragon lance: «Allons-nous-en», Vladimir répond: «On ne peut pas.» «Pourquoi?» «On attend Godot» et Estragon de répondre «C'est vrai». La fameuse réplique qui revient comme un leitmotiv résume l'absurdité de l'attente, ou plutôt sa fonction première: donner un sens à la vie, sans même se soucier du dénouement.

Jean Lambert-wild, Marcel Bozonnet et Lorenzo Malaguerra font jouer les deux protagonistes par deux grands comédiens ivoiriens: Fargass Assandé et Michel Bohiri. Dès lors, l'attente peut s'apparenter à celle des migrants, comme l'expliquent les metteurs en scène: «Attente du passeur, attente d'un visa, attente d'un renvoi, attente d'une sœur ou d'un frère. Ces situations où le but recherché s'efface devant la nécessité de rester là nous ramènent au cœur d'En attendant Godot.» Vacuité de l'existence, attente sans fin d'un avenir meilleur, espoir diffus qui permet de tenir… La pièce dit tout ça à la fois et même davantage. Un chef- d'œuvre sacrément bien servi par des acteurs hors pair à redécouvrir!

___________________

En savoir +

En attendant Godot de Samuel Beckett,
sous la direction de Jean Lambert-wild,
Marcel Bozonnet et Lorenzo Malaguerra.
Jusqu'au 29 mars au Théâtre de l'Aquarium,
Cartoucherie, route du champ de manœuvre, 75012 Paris.
www.theatredelaquarium.net