D'autres clichés sur les femmes
Comme à Avignon, Perpignan a son In, le festival international du photojournalisme ; et son Off, les expositions photos thématiques organisées par l'UD des Pyrénées orientales. Celle de l'année 2015 rend un bel hommage aux combats des femmes dans le syndicalisme. Au premier étage de la bourse du travail de Perpignan, dans la salle d'exposition, le regard fraternel (du buste) de Jaurès semble veiller sur les 25 photos de l'exposition. Parmi les clichés, on admire longtemps ces deux jeunes femmes qui brandissent fières, frondeuses et rieuses le drapeau de la CGT ou encore ces midinettes en grève en 1917.
?– Le nom de ces couturières au travail plus de 10 heures par jour vient d'une contraction des mots « midi » et de « dînette ». On les surnommait ainsi parce qu'elles prenaient leur repas de midi sur le pouce.
Leurs hommes sont au front et les petites mains de la couture refusent de s'en laisser conter. Qui se souvient que l'on doit à ces cousettes, par leur grève, l'ébauche de la « semaine anglaise » en France qui deviendra, plus tard, le week-end ? « Une telle exposition donne à voir le rôle du syndicat et le rôle des femmes dans le syndicat, en 1917 comme en 36, en 68 », a rappelé Elyane Bressol, la présidente de l'Institut d'histoire sociale lors de l'inauguration de l'exposition le 5 septembre.
Bataille pour l'égalité salariale mais aussi pour des combats plus « sociétaux ». Ici, c'est la clinique des Bluets et les cours d'accouchement sans douleur qui s'affichent, là le combat pour la légalisation de l'avortement dans les années post-68 ou les slogans féministes tels que le « je ne veux pas rentrer à la maison » de ces femmes qui mesurent l'indépendance financière qu'offre un salaire.
En fin d'après midi, sous le soleil et malgré quelques bourrasques de vent, la place Rigaud, siège de l'imposante bourse du travail, s'est rapidement transformée en agora improvisée. Pierre Place, le secrétaire général de l'UD 66, a tenu a rappeler que : « 120 ans ce n'est pas si vieux si l'on regarde l'histoire du monde dans son ensemble ou si l'on se rappelle qu'il y a à peine 70 ans, les femmes n'avaient pas de droit de vote. Aujourd'hui encore, il reste de nombreuses batailles à mener, à gagner, à commencer par l'égalité réelle au travail entre les hommes et les femmes ».
En 2015, les femmes représentent la moitié de la population active contre 35 % en 1895, date anniversaire de la création de la CGT. En 2015, elles subissent toujours des salaires moindres, le temps partiel non choisi, la précarité.
Être libres, égales et respectées reste un incessant combat.
? Exposition photographique « 120 ans de combats de femmes », Bourse du travail, place Rigaud à Perpignan, jusqu'au 12 septembre.
L'exposition restera ouverte pour être présentée aux scolaires jusqu'à la fin septembre. Les photos devraient prochainement être exposées dans le patio du siège de la CGT à Montreuil.
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FAIRE FISSA POUR VISA
Ce n'est pas un hasard si l'exposition organisée par l'UL 66 fait écho à celle de Visa pour l'image. C'est que les photos – et l'actualité récente du petit Aylan échoué sur la plage grecque de Kos le montre – sont une arme de lutte.
Courbée sous le poids de la douleur et de l'incompréhension, le visage strié de rides Carmen Martinez Ayuso (85 ans) est expulsée de son appartement madrilène et le photographe Andres Kudacki saisit toute l'intensité de la douleur de cette madone populaire sacrifiée sur l'autel du libéralisme.
Comment peut-on faire ça à une vieille femme ? A un malade qui tient à peine debout et que l'on jette lui aussi à la rue ? A sa manière, Andres Kudacki est un militant : « je me sens engagé par ce travail. Je veux propager ces images et contribuer ainsi à un changement » (L'Humanité, du 8 septembre 2015). Pour Emmanuel Vire du SNJ-CGT, invité à l'inauguration de l'exposition 120 ans de combats de femmes « l'importance de la photo et du photojournalisme dans l'évolution du monde et du regard des femmes et des hommes n'est plus à démontrer ».
Si la presse va mal – très mal – la situation est encore plus sombre pour les reporters photographes. Par manque de travail, de commandes, de publications pour diffuser leurs photos, nombreux sont ceux qui abandonnent le métier ou perdent leur carte de presse. Pour autant, l'engouement pour le reportage séduit toujours.
« Les jeunes photographes qui arrivent sur le marché et se font une raison : trouver d'autres débouchés que la presse (…) d'autres modèles économiques, d'autres médias, d'autres horizons », note Jean-François Leroy, directeur et fondateur de Visa pour l'image dans l'éditorial de la brochure présentant l'unique festival de photojournalisme au monde.
De l'hommage rendu à Charlie Hebdo à la tragédie des migrants, des mères adolescentes du nord de la France, à la brigade des femmes yézidies qui lutte contre Daesh, le temps d'un Visa, c'est tout Perpignan, et plus seulement sa gare, qui devient le centre du monde.
Visa pour l'image, nombreuses expositions dans dix lieux de la ville. Entrée gratuite. Association Visa pour l'image, 18, rue Emile Zola, 66000 Perpignan. Tél. : 04 68 62 38 00 |