La pharmacie soigne ses dirigeants
On apprenait le week-end dernier qu'Olivier Brandicourt, choisi pour remplacer au poste de directeur général de Sanofi Chris Viehbacher évincé fin octobre, percevrait dès sa prise de fonction, le 2 avril prochain, un bonus de bienvenue de 2 millions d'euros et 2 millions d'euros supplémentaires en janvier 2016 s'il est toujours en poste.
À ce «golden hello», comme disent les Américains, s'ajoutent, toujours au titre de cadeau d'arrivée, quelque 66000 actions gratuites. Lesquelles, au cours actuel de 88 euros l'action, représentent pas loin de 6 millions d'euros. C'est donc au total un paquet de 10 millions d'euros qu'empochera le nouveau patron de Sanofi pour prendre ses fonctions.
Ce pont d'or est, selon le groupe, «la contrepartie des avantages auxquels Olivier Brandicourt a renoncé» en quittant Bayer où il dirigeait depuis novembre 2013 la direction pharmacie du groupe allemand. Quelque chose donc comme une sécurité sociale professionnelle réservée aux mieux lotis puisque la rémunération promise au futur directeur général ne l'aurait certainement pas laissé sur la paille. Son contrat prévoit en effet un fixe de 1,2 millions d'euros par an, le versement d'un bonus de 3 à 4,2 millions d'euros selon les résultats, l'octroi de 45000 nouvelles actions gratuites (environ 4 millions d'euros) et de 220000 stock-options. C'est un peu plus que le Smic même pour un grand patron.
Monnaie courante
Devant les protestations qu'a suscitées ce bonus de bienvenue on fait valoir que la pratique n'est pas nouvelle chez le laboratoire français. Son prédécesseur au poste de directeur général, débauché de chez Glaxo en 2008, avait lui aussi perçu à son arrivée 2,2 millions d'euros, 65000 actions gratuites et 200000 stocks options… Mais on a beau nous expliquer que ces pratiques sont monnaie courante dans le secteur ou que les montants en jeu restent loin des records atteints outre-Atlantique nous ne voyons aucune raison de nous y habituer.
C'est même plutôt leur banalité et leur poursuite par temps de crise qui apparaissent scandaleuses et provoquent la légitime colère de salariés confrontés aux suppressions d'emplois, aux fermetures de sites et au refus d'augmenter les salaires. Mais à en croire les thuriféraires du libéralisme ce ne serait finalement là que les conséquences de la mondialisation, de la concurrence et de l'indispensable recherche de compétitivité. Laquelle, c'est bien connu, exige d'abaisser le coût salarial mais de faire flamber la rémunération des dirigeants pour pouvoir embaucher les meilleurs talents sur un marché devenu mondial…
Pour le Medef: dans les clous
Si l'épisode Sanofi atteste de la surdité des castes dirigeantes à tout appel à la décence, il marque aussi la vacuité des tentatives de régulation des organisations patronales. Le code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées concocté par l'Agef et le Medef dont le patronat vante la «rigueur exemplaire» qui en fait «l'un des plus exigeants des pays de l'OCDE» est à peu près muet sur la question des «golden hello». Tout juste prévoit-il qu'une indemnité de prise de fonction «ne peut être accordée qu'à un nouveau dirigeant mandataire social venant d'une société extérieure au groupe» et que dans ce cas «son montant doit être rendu public au moment de sa fixation». Autant dire que, pour le Medef, Sanofi est dans les clous de la bonne gouvernance… Olivier Brandicourt pourra donc sans problème passer par la case pactole.
Une nouvelle fois serait-on tenté de dire puisqu'avant sa parenthèse allemande il avait déjà empoché la coquette somme de 8,1 millions d'euros en quittant Pfizer où il s'occupait des pays émergents et des «vieux médicaments», le géant américain ayant supprimé son poste à l'occasion d'une réorganisation… Il est des licenciés qui ont moins à s'en faire que d'autres.