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PROTECTION SOCIALE

Sécurité Sociale, le budget ne fait pas recette

8 août 2014 | Mise à jour le 24 avril 2017
Par
Sécurité Sociale, le budget ne fait pas recette

Le projet de loi 
de financement rectificative de la Sécurité sociale a été adopté à l'Assemblée le 23 juillet. Il intègre les baisses et les exonérations de cotisations prévues dans le pacte de responsabilité et de solidarité. La CGT propose une nouvelle dynamique de financement de 
la Sécurité sociale.

Le 23 juillet, les députés ont définitivement adopté le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS), après plusieurs semaines de débat parlementaire – y compris au sein de la majorité – et un rejet par le Sénat en première lecture le 17 juillet. Ce texte vient modifier la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2014 en y intégrant les mesures du pacte de responsabilité et de solidarité et vise, avec la loi de finances rectificative (LFR), la réduction du déficit public à 3,8 % du PIB par une série de mesures d'économies supposées compenser de nouveaux cadeaux faits aux entreprises, au détriment de la Sécurité sociale et du service public qui garantissent la protection sociale.

1. LE PACTE DE RESPONSABILITÉ 
ET DE SOLIDARITÉ DANS LE BUDGET 
DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Le pacte de responsabilité et de solidarité a d'abord été cette annonce faite par François Hollande le 14 janvier 2014, et a été présenté comme une stratégie « pour soutenir la croissance et l'emploi en France tout en maîtrisant la dépense publique » (1). L'annonce étant intervenue après le vote, en décembre 2013, de la loi de finances, la mise en œuvre de ce pacte a rendu nécessaire l'élaboration de deux projets de lois dites « rectificatives », qui ont été adoptés : le projet de loi de finances rectificative (PLFR) et le projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2014. C'est dans la nouvelle loi de financement rectificative de la Sécurité sociale que sont fixés les détails de la mise en œuvre d'un pacte qui consiste, pour l'essentiel, à baisser les prélèvements obligatoires au nom de la baisse du « coût du travail » et à planifier 50 milliards d'euros d'économies sur trois ans. Cette somme devrait provenir de l'État et de ses agences pour 18 milliards et des collectivités locales pour 11 milliards. La protection sociale abandonnerait 10 milliards au titre de l'assurance maladie et 11 milliards pour la gestion du système social.

 
Baisse des prestations sociales

Dès janvier 2015, les cotisations patronales seront réduites pour les salaires inférieurs à 1,6 Smic. Les entreprises ne paieront plus aucune cotisation patronale de Sécurité sociale pour tout emploi au Smic. Autrement dit, les employeurs auront une raison supplémentaire d'embaucher au Smic et de freiner toute augmentation de salaire qui les ferait basculer dans la tranche payante… En outre, les cotisations d'allocations familiales seront réduites de 1,8 point en 2015. Avec les baisses de cotisations des travailleurs indépendants, le manque à gagner dû à ces allégements s'élèvera à 5,5 milliards d'euros en 2015.
Le texte prévoit également un allégement dégressif des cotisations salariales pour les salaires compris entre 1 et 1,3 Smic, à partir du 1er janvier 2015. « Cette mesure permettra une hausse de revenus d'environ 500 euros par an au niveau du Smic, visible sur la feuille de paye », insiste le gouvernement, qui oublie de préciser qu'il s'agit du salaire net et non du brut. Et qu'il prévoit par ailleurs des économies drastiques sur les prestations sociales. Le manque à gagner pour la Sécurité sociale sera de 2,5 milliards d'euros pour une mesure qui devrait concerner 5,2 millions de salariés et 2,2 millions de fonctionnaires et militaires.

 
Fin de la contribution sociale de solidarité 
des sociétés

La contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) est due par les entreprises réalisant un chiffre d'affaires hors taxe d'au moins 760 000 euros, pour un taux de 0,16 % du chiffre d'affaires. Elle finance le régime de protection sociale des travailleurs indépendants : artisans, commerçants, exploitants agricoles, et entrepreneurs sous le Régime social des indépendants (RSI). Elle contribue également au financement du Fonds de solidarité vieillesse (FSV). Avec la nouvelle loi, la C3S sera supprimée à l'horizon 2017 et d'ici là, elle est réduite de façon générale et même supprimée pour les petites et moyennes entreprises. Le RSI, qu'elle finançait, est quant à lui intégré au régime général.
Le coût de cette mesure est estimé à 1 milliard d'euros pour l'année 2015. Au-delà, un « effort amplifié pour renforcer la compétitivité des entreprises » est prévu :
c diminution supplémentaire en 2016 du « coût du travail » des salariés gagnant jusqu'à 3,5 Smic (c'est-à-dire 90 % des salariés) ;
c suppression progressive de la C3S pour les moyennes et grandes entreprises de 2016 à 2017 ;
c baisse du taux normal de l'impôt sur les sociétés dès 2017, se prolongeant pour atteindre un taux de 28 %, dans la moyenne européenne, en 2020.

2. À LA SÉCURITÉ SOCIALE 
LES ÉCONOMIES

La question est bien de savoir comment sera compensé l'impact de ces mesures sur la Sécurité sociale. Intégralement, promet le gouvernement. Comment ? Par des économies supplémentaires, essentiellement.

 
Santé, prestations sociales : budget à la baisse

En réalité, 4 milliards d'euros d'économies sont d'ores et déjà programmés à partir de maintenant et jusqu'à la fin de l'année, dont 1,1 milliard sur les prestations sociales et les dépenses de santé. Elles se répartissent de la façon suivante : 300 millions liés au report d'une année des revalorisations des prestations sociales (hors minima sociaux et petites retraites) et 800 millions d'économies sur l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Auxquelles viennent s'ajouter, sans que ce soit inscrit dans la loi, 600 millions de moindres dépenses pour l'assurance chômage (Unedic) et 300 millions en moins pour la Caisse nationale d'allocations familiales. En tout, 2,4 milliards de ces réductions budgétaires affecteront les prestations sociales et de santé, et le restant, c'est-à-dire 1,6 milliard, concernera l'État et les collectivités locales.

 
Gel des retraites et des aides au logement

Ensuite, la loi prévoit de ne pas revaloriser pour une année, « à titre exceptionnel », au 1er octobre prochain, les aides au logement et les retraites de base, à l'exception des pensions inférieures à 1 200 euros. La mesure « exceptionnelle » de non-revalorisation, pendant une année, des prestations familiales, des pensions d'invalidité et des rentes dues aux accidentés du travail et en cas de maladies professionnelles figurera, quant à elle, dans le cadre du PLFRSS pour 2015.
L'absence de revalorisation des pensions de retraite concernerait 8 millions de personnes, soit la moitié des retraités, et représenterait un « effort » de 11 euros par mois.

 
Cadeaux fiscaux versus austérité sociale

Il faut souligner qu'en matière de cadeaux faits aux entreprises, cette baisse des cotisations sociales dues par les entreprises s'ajoute au crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) entré en vigueur en janvier 2013. Lequel a été reconduit en 2014 avec, qui plus est, un taux (calculé, rappelons-le, sur la masse salariale de l'entreprise hors salaires supérieurs à 2,5 fois le Smic) à 6 %, en augmentation de 2 points par rapport à 2013. Le coût estimé par le gouvernement atteint 20 milliards pour cette année.
L'un des objets de litige lors du débat parlementaire a concerné l'absence d'exigence de « contrepartie » des entreprises en matière d'emploi, que ce soit pour le CICE ou pour le pacte de responsabilité et de solidarité. Dans les prévisions les plus optimistes et en l'absence de toute contrainte du côté des entreprises, la baisse du chômage comme signe de reprise économique est projetée à cinq ans, pas moins. Après plus d'un an d'existence du CICE, le constat est clair : à court terme, en tout cas, la courbe du chômage ne s'est pas inversée, bien au contraire.
Aucune recette supplémentaire n'est prévue. Les cadeaux aux entreprises, qui n'ont toujours pas démontré leur efficacité en matière de relance économique, sont financés exclusivement par des restrictions budgétaires, principalement en matière de prestations sociales et de santé. Pour la CGT, il s'agit donc bien d'un budget d'austérité. Quand de plus en plus d'assurés sociaux renoncent à des soins nécessaires et que les hôpitaux manquent de personnel, l'Ondam revu à la baisse impose de fait à la santé publique déjà sinistrée de nouveaux « efforts ». Et alors que les caisses de Sécurité sociale dans les départements sont obligées de fermer leurs guichets régulièrement pour pouvoir traiter les dossiers en retard du fait du manque d'effectifs, le gouvernement veut imposer des économies supplémentaires en matière de gestion.

3. UNE AUTRE DYNAMIQUE 
DE FINANCEMENT 
DE LA PROTECTION SOCIALE

Les prévisions de la commission des comptes de la Sécurité sociale évaluent le « trou de la Sécu » à 9,9 milliards d'euros pour cette année. Une « amélioration » par rapport à 2013 où le déficit s'était établi à 12,5 milliards d'euros, mais ce chiffre ne tient pas compte des nouvelles économies programmées. La CGT, qui demande depuis de nombreuses années une vraie réforme du financement de la Sécurité sociale, fait l'amer constat que cette loi est une fois de plus constituée d'expédients qui risquent d'alourdir encore la crise de financement de la Sécurité sociale. Et réaffirme qu'il s'agit d'une crise des recettes et non des dépenses.

 
Augmentation des cotisations

À l'inverse de la logique du patronat qui veut – et obtient – une baisse toujours plus importante de ce qu'il nomme « coût du travail », selon la CGT, une part plus importante des richesses créées par le travail doit être consacrée au financement de la Sécurité sociale. Il faut pour cela changer de lunettes et viser le développement de l'emploi stable et l'augmentation des salaires, premiers leviers d'augmentation des cotisations qui financent la protection sociale.

 
Un autre mode de calcul

Le mode de calcul des cotisations sociales doit favoriser le développement de la masse salariale et non pas, comme c'est le cas aujourd'hui, inciter à la réduction des salaires et du nombre de salariés. D'où l'idée d'une différenciation, d'une modulation, du taux en fonction de la politique de l'emploi menée par l'entreprise. Il s'agit d'encourager l'embauche et l'investissement productif et de décourager la capitalisation inutile à l'entreprise, le coût du capital. Les cotisations devraient être modulées en prenant en compte la totalité de la valeur ajoutée pour le calcul de la cotisation de l'entreprise, le taux applicable variant en fonction notamment de la part des salaires dans cette valeur ajoutée.

 
Des cotisations étendues à tous les revenus 
de l'entreprise

Tous les éléments de rémunération devraient être soumis à cotisations : l'intéressement, la participation et les revenus financiers. A contrario, les exonérations de cotisations sociales devraient être supprimées.
Le financement de la Sécurité sociale est historiquement en majorité fondé sur le travail et sur les revenus d'activité. Pour la CGT, il est fondamental que ce principe soit maintenu. En ce sens, les cotisations sociales sont et demeurent un salaire socialisé ; les supprimer ou les baisser alors que la Sécurité sociale est déficitaire revient à porter atteinte à un système de répartition et de solidarité qui a pourtant fait ses preuves et qui, jusqu'à aujourd'hui, a permis de limiter les conséquences dramatiques de la crise économique, affirmant l'accès de tous aux droits essentiels que sont le droit de bien vivre, le droit de bien travailler et de bien vieillir.

 

(1) Dossier de presse de la présentation 
du PLFR 2014, ministère des Finances et des Comptes publics, 11 juin 2014.