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MCDONALD'S

Ca ne se passera pas comme ça, chez McDo

28 mars 2016 | Mise à jour le 16 février 2017
Par | Photo(s) : Thierry Nectoux
Plusieurs dizaines de salariés de McDonald's, venus de plusieurs lieux de France, étaient mobilisés devant le restaurant de la gare du Nord, à Paris, pour réclamer un taux horaire de 13 euros à l'image de leurs collègues américains. Ils ont également dénoncé les conditions de travail et leur précarité, rejoints en cela par des étudiants de l'université Paris 8, mobilisés contre la loi El Khomri. Reportage.

« Assez de galère pour une misère ! ». « McDo, escroc, faut partager le magot ! ». « Nous ne sommes pas des steaks hachés, les salariés de la restauration rapide sauront se faire respecter ». « Relocalisation des profits, augmentation des salaires. 13 euros/heure ».

C'est autour de ces slogans inscrits sur plusieurs banderoles ou accrochés à des tee-shirts McDonald's déchirés et brandis en épouvantail sur des balais, que plusieurs dizaines de salariés du roi du burger ont manifesté le 23 mars, devant le restaurant de la gare du Nord, malgré le froid et la forte présence policière à l'entrée du hall d'où part le Thalys, train express pour Bruxelles…

Sur fond de « C'est dans la rue qu’ça se passe quand il s’passe quelque chose, […] C'est dans la rue qu'ça se passe, on va pas s'laisser faire », la chanson emblématique de la compagnie Jolie môme et devant un restaurant fermé fissa à l'approche des manifestants, les salariés scandaient : « McDo, mais ils sont où nos bénéfices ?! » devant un mur de vitrines. Voilà pour le dialogue social.

DES REVENDICATIONS LÉGITIMES

« Nous sommes là pour montrer à tout le monde que si les rushs se suivent et se ressemblent, ce n'est pas une fatalité, a démarré Gilles Bombard, secrétaire de la CGT McDonald's Ile-de-France. Il n'est plus possible de tolérer une politique sociale sans saveur à notre égard, une politique sociale qui dérive en politique fiscale controversée. »

Il énumère, sous les acquiescements de l'assemblée, les temps partiels imposés rémunérés sur la base du Smic, les horaires planifiés et imposés la nuit et le dimanche sans majoration, les techniques de maximisation sauvage des profits.

« C'est une façon d'appauvrir ses travailleurs, enchaîne-t-il, tout en s'accaparant toutes les aides de l'État : CICE, baisse de la TVA, aides sur les bas salaires, emplois jeunes, etc., et au même moment organiser la fuite de tous ses profits vers des paradis fiscaux pour ne pas payer l'impôt sur les sociétés, pour ne pas nous payer à nous, salariés, la prime de participation sur les bénéfices qui nous échappe depuis toujours car aussi étonnant que cela puisse paraître, McDonald's, d'un point de vue comptable, ne dégage pas de bénéfices. »

Et de préciser qu'une action en justice a été engagée pour « blanchissement de fraude fiscale en bande organisée » (voir entretien avec Eva Joly, NVO de janvier 2016,).

Des cris se lèvent : « Nos bénéfices ! Bande de voleurs, ils sont où ?! ». Et lui, de conclure : « Nous voulons un salaire de 13 euros/heure, un treizième mois pour tout le monde, des primes, des congés étudiants, un comité d'entreprise, tout ce qui nous revient de droit par rapport à la richesse que nous créons chaque jour et qui n'est jamais partagée ». Et de pointer l'exemple américain où il y a quelques mois, des salariés de McDonald's ont réussi à augmenter leur salaire de 7 à 15 dollars de l'heure grâce à une action syndicale coordonnée et tenace (voir portrait NVO février 2016).

Dans la foule qui s'agglutine autour des intervenants, Cassandre, 25 ans (voir ci-dessous), frotte ses mains glacées en acquiesçant au discours de Lisa, jeune étudiante italienne en France, ancienne équipière chez McDonald's, venue témoigner de son parcours précaire chez le roi du Big Mac. Elle enfonce ses lunettes sur son nez et se lance dans la lecture de son récit avec des accents méditerranéens : « Nous voyons chaque jour les clients plus nombreux mais un salaire misérable en bas de la fiche de paie […] rien pour nous fidéliser et nous récompenser du travail accompli. […] Au vu des conditions dans lesquelles nous travaillons, nous pensons que nous valons mieux ! »

CONVERGENCE DES LUTTES

« Leur revendication d'un taux horaire à 13 euros est légitime au vu des bénéfices réels de 4,6 milliards d'euros en 2015 de McDo France, lâche Didier Del Rey, de l'union syndicale CGT des commerces de Paris. La situation financière négative est un artifice pour cacher les profits partis pour être défiscalisés au Luxembourg et les premiers à en pâtir sont les salariés. Leurs revendications d'un treizième mois, d'une majoration du travail de nuit et du dimanche doivent être les mêmes que dans d'autres enseignes de la restauration rapide comme chez KFC, Burger King, Quick, Pizza Hut, Domino's Pizza, etc. »

« On est plus forts quand on est ensemble, que quand on est chacun de son côté pour porter ses propres revendications, lance la jeune Lisa, venue avec un comité d'étudiants de l'université Paris 8 soutenir les salariés de McDo. Le 31 mars approche, c'est une journée interprofessionnelle qui peut nous mettre tous ensemble dans la rue, en grève. On vous invite à vous mobiliser avec nous [les étudiants, ndlr] ce jour-là, à descendre dans la rue, à crier haut et fort qu'on n'acceptera pas les conditions de travail de merde qu'ils essaient de nous imposer avec la loi « Travail » ni l'avenir que nous réservent le gouvernement et le patronat. C'est déjà ce qu'il vous arrive à vous, en fait, quand ils vous imposent un salaire misérable. » « Étudiants, salariés, il n'y a pas vraiment de différence, on est tous dans la même merde », conclut un jeune barbu, engoncé dans sa capuche.

Le syndicaliste CGT des commerces de Paris ne s'étonne pas du soutien apporté par le petit groupe d'étudiants. « Si la loi El Khomri passe, cela favorisera la généralisation des emplois précaires du type de ceux de la restauration rapide et les jeunes qui sont en première ligne l'ont bien compris. »

Pour lui, aucun doute, avec la loi « Travail », les CDD à temps partiel deviendront légion. Et quand on lui demande si la revendication d'un meilleur taux horaire est la bonne stratégie, il répond sans ambages . « En arrivant chez McDonald's, les jeunes, souvent des étudiants, recherchent un début de salaire, une entrée dans la vie professionnelle compatible avec leur emploi du temps, ce qui les rend demandeurs de contrats à temps partiel ». Et de continuer : « Que ce soient pour les salariés à temps partiel ou à temps complet, le taux horaire de 9,67 euros bruts de l'heure auquel ils sont payés est insuffisant au regard du travail effectué. En revendiquant l'augmentation à 13 euros, ils réclament tous une hausse de leur pouvoir d'achat pour pouvoir se loger et vivre dignement ».

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PAROLE DE…

« JE NE SUIS PAS SYNDIQUÉE, MAIS JE SUIS D'ACCORD AVEC MES COLLÈGUES »

Cassandre, 25 ans,
salariée de McDonald's au restaurant
de la gare de l'Est depuis trois ans et comédienne.

« On est sous-payés… Moi, je galère à faire augmenter le nombre d'heures de mon contrat. Je fais actuellement 16 heures par semaine et on me planifie sur 20 heures mais je n'ai pas encore signé mon nouveau contrat. La direction du restaurant a changé plusieurs fois, mon premier directeur m'avait fait du chantage aux horaires compatibles avec mes cours de théâtre pour me faire baisser mon nombre d'heures. On est très mal payés, on travaille peu d'heures, mais c'est tellement speed, on doit gérer les sautes d'humeur des clients, les conditions de travail sont difficiles. Je gagne 550 euros mensuels pour 20 heures de travail par semaine, sachant qu'on nous demande des plages horaires de 12 heures de disponibilité par jour… Conclusion, on est loin d'avoir des contrats à temps complet de 35 heures mais au final, il faut être disponible plus de 45 heures dans la semaine. Du coup il y a plein de gens qui partent. Travailler chez McDo, c'est trop dur, il faut avoir une grosse résistance mentale. J'ai eu la chance de rester, ça m'a fait gagner en maturité. Mais impossible de prétendre à un logement adapté, je suis obligée de rester dans ma résidence étudiante, vu que je ne gagne pas assez. Et puis, il y a des inégalités injustes entre les salariés des restaurants franchisés et ceux de la chaîne qui eux, ont un treizième mois, des primes de 500 euros alors que nous n'avons que 70 euros… »

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TROIS QUESTIONS À :

Amel Ketfi,
secrétaire de la fédération du Commerce CGT,
en charge de la restauration rapide.

« EN FINIR AVEC LES MC JOBS »

Le 23 mars dernier, les salariés de Mc Donald's revendiquaient un taux horaire de 13 euros bruts…

La fédération CGT Commerce revendique d'abord la suppression des mini-contrats imposés de 5 à 10 heures hebdomadaires. Nombre de salariés bataillent pour travailler plus d'heures sans jamais l'obtenir. Nous revendiquons donc d'abord le droit à un temps complet pour tous ceux qui le souhaitent afin d'avoir une vraie possibilité d'agencer sa vie professionnelle avec sa vie personnelle. Or, c'est loin d'être le cas avec les horaires atypiques de McDonald's qu'on ne trouve pas dans d'autres commerces : travail du dimanche, de nuit et sans majoration. Même l'étudiant qui prend un petit contrat chez McDonald's ne le prend pas par gaieté de cœur, c'est parce qu'on lui impose et qu'il n'a pas le choix.

Pourtant, un contrat de quelques heures pendant la durée des études, cela semble une formule idéale pour les étudiants. La revendication d'un meilleur taux horaire, n'est-ce pas déjà une première étape ?

À la base, la CGT revendique que les étudiants puissent mener leurs études sans avoir à travailler. Le problème vient du fait qu'aujourd'hui, ils ne le peuvent pas. C'est parce que McDonald's l'a bien compris qu'il exploite un maximum d'étudiants sans autre choix. Ils constituent un vivier privilégié. On leur offre des petits contrats en exigeant une disponibilité totale à l'enseigne employeur, ce qui ne leur laisse même pas la possibilité de chercher du travail ailleurs pour pouvoir avoir un salaire décent, les coupures pouvant aller jusqu'à 5 heures. La revendication de l'augmentation du taux horaire est implicite à notre revendication de 1 800 euros bruts mensuels pour un temps complet.

En attendant, que faire ?

Batailler pour que McDonald's arrête ses pratiques de délinquance sociales et fiscales ; arrête de délocaliser ses revenus et ses bénéfices à l'étranger en privant la quasi-totalité de ses salariés d'une partie de leur rémunération ; arrête sa structuration juridique actuelle divisée, en France et en Europe, qui empêche toute représentation syndicale dans les restaurants et donc toute revendication de masse. Tout cela sera au cœur de la mobilisation que nous prévoyons le 14 avril prochain, nouveau temps fort de notre campagne de dénonciation de l'impérialisme fast-food et de la précarité de ses emplois.