À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
TÉLÉVISION

iTélé : Morandini n’est que la « goutte d’eau »

25 octobre 2016 | Mise à jour le 9 décembre 2016
Par | Photo(s) : Denis Allard/REA
iTélé : Morandini n’est que la « goutte d’eau »

Greve reconduite, apres une assemblee generale des journalistes au siege de la redaction de la chaine TV d'information appartenant au groupe Bollore, Canal Plus, Vivendi, iTV, itele, i tele, i tv, television, presse, medias, logo D8 D17 Itele

La direction du groupe Canal a annoncé, lundi 24 octobre, que l'émission Morandini Live serait suspendue « pour des raisons opérationnelles » et reprendra dès l'arrêt du mouvement de grève entamé, le 17 octobre dernier, par les salariés de la chaîne info du groupe : iTélé.

L'arrivée de l'animateur Jean-Marc Morandini sur la chaîne avait mis le feu aux poudres et déclenché un mouvement de grève, reconduit massivement, lundi 24 octobre au matin, pour une huitième journée consécutive. La direction du groupe annonce également repousser le lancement du nouvel habillage de la chaîne aux couleurs de CNews, le nouveau nom d'iTélé.

« Il y a eu une tentation de dire que le mouvement de grève à iTélé ne concerne que l'affaire Morandini », explique Emmanuel Vire, secrétaire général du SNJ-CGT, avec le risque qu'il ne se transforme « en chasse à l'homme ».
Si l'arrivée de l'animateur – actuellement sous le coup d'une mise en examen pour corruption de mineur aggravée – s'était révélé la « goutte d'eau » de trop pour la rédaction, la colère des salariés d'iTélé a des racines bien plus profondes.

Outre le départ de Jean-Marc Morandini, les salariés demandent « la signature d'une charte éthique », la nomination d'un directeur de la rédaction « distinct du directeur général d'iTélé » et un projet stratégique et éditorial « clair et précis ».

Éthique journalistique

Déjà, il y a un an, un mouvement de contestation avait éclaté au sein du groupe Canal suite à la censure d'un reportage sur un système d'évasion fiscale et de blanchiment d'argent organisé par les dirigeants du Crédit Mutuel pour le magazine Spécial Investigation. La rédaction y avait vu une pression éditoriale de la part de son nouvel actionnaire, Vincent Bolloré, qui avait bénéficié de l'aide de la banque pour monter au capital de Vivendi, la maison mère du groupe Canal .

En juin, des salariés d'iTélé se sont révoltés contre la demande, par leur direction, de réaliser des publireportages – ces publicités lucratives qui brouillent les pistes en prenant la forme d'un réel reportage journalistique.

Cette pression éditoriale ne concerne pas uniquement iTélé. En juillet, Reporters sans frontières (RSF) publiait un rapport dénonçant la concentration, notamment en France, des médias et l'apparition d'oligarques industriels et financiers « faisant leur shopping » parmi les grands titres de presse, au risque d'ouvrir la porte aux pressions de la part de ces actionnaires pas comme les autres. RSF prenait d'ailleurs comme exemple l'industriel Vincent Bolloré, dont les intérêts dans d'autres activités, comme Autolib ou Gameloft, ont souvent transpiré dans la ligne éditoriale des médias qu'il contrôle.

Vincent BolloréFrance 2 lui avait consacré un Compément d'enquête « Vincent Bolloré : un ami qui vous veut du bien ? »

Historiquement, de nombreux médias français sont détenus, au moins en partie, par des actionnaires ayant également des intérêts dans de grands groupes industriels, à l'image de Bouygues avec TF1, ou de LVMH avec Les Échos. Mais l'apparition de profils d'investisseurs comme Vincent Bolloré ou Patrick Drahi inquiète Emmanuel Vire.

 

« Le secteur des médias est quand même le “quatrième pouvoir” essentiel du pluralisme et de la démocratie dans ce pays. »

D'autant plus qu'il aura suffi de près d'un cinquième des parts de Vivendi à Vincent Bolloré pour « faire la pluie et le beau temps » sur la chaîne.

Plan social déguisé ?

Très rapidement, les salariés d'iTélé en grève se sont vu proposer de déclencher leur « clause de conscience ».
La convention collective des journalistes leur permet en effet de quitter leur média sans perdre leurs avantages en cas de rachat – c'est la clause de cession – ou en cas de changement de la ligne éditoriale – la clause de conscience. Cette clause – même rarement utilisée – « c'est l'honneur de la profession », se réjouit Emmanuel Vire, mais ici, tout semble indiquer qu'elle est utilisée comme une manière se débarrasser d'un personnel encombrant à moindres frais.

« C'est la première fois dans l'histoire de la presse et des médias qu'un employeur dit avec mépris “si vous n'êtes pas contents, vous n'avez qu'à prendre votre clause de conscience” » alors que cette clause doit être déclenchée « à l'initiative du journaliste ». La situation économique du secteur n'étant pas au beau fixe, cette porte ouverte, que peu pourront se permettre de franchir, vise, selon Emmanuel Vire, à faire rentrer les journalistes, notamment les plus jeunes, dans le pas.

Vincent Bolloré « n'en a rien à faire d'iTélé », s'exaspère Emmanuel Vire, qui, du coup, avoue que la situation est « difficile à gérer ». En effet, lors de la prise de contrôle du groupe Canal , le milliardaire visait surtout la chaîne étendard, Canal , et les deux chaînes de divertissement du groupe, C8 et C Star – autrefois D8 et D17 –, en se demandant que faire d'iTélé. La vendre ou pas ?

Avec près de 120 000 euros de recette qui seraient perdus chaque jour, liés aux annonceurs se retirant de la chaîne pendant la grève ou l'émission du très clivant Morandini, et la perte de près de la moitié de son audience en une semaine, le milliardaire semble avoir trouvé une réponse à sa question.Rapport de RSF sur les médias aux mains des « oligarques »

 

Dernières minutes La grève à iTélé est poursuivie jusqu'à mercredi, 11 h 30. Joint par téléphone ce jour, Francis Kandel, délégué du personnel et délégué syndical au groupe Canal a indiqué qu'une première séance de négociation avait eu lieu, 4 jours après le début de la grève. Une négociation sans en être une puisque la direction « proposait d'appliquer le code du travail avec le sourire », notamment la mise en place de la charte éthique « parce que c'est la loi », ou encore pour proposer des ruptures conventionnelles aux journalistes qui voudraient faire jouer leur clause de conscience.
Des dirigeants du groupe, comme Stéphane Roussel ou Maxime Saada se sont même déplacés pour prendre la parole dans les assemblées générales du personnel, sans grand succès.
Une nouvelle session de négociations devait s'engager ce soir, mais a été repoussée au lendemain. Les salariés attendent des réponses aux demandes sociales importantes qui ne sont pas nouvelles dans l'entreprise. »