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Éducation nationale

A Mayotte, des professeurs contractuels privés de salaire depuis la rentrée

18 novembre 2025 | Mise à jour le 18 novembre 2025
Par | Photo(s) : Marine Gachet / AFP
A Mayotte, des professeurs contractuels privés de salaire depuis la rentrée

Une professeure fait classe durant la visite de la ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche Elisabeth Borne. Mayotte, 18 aoüt 2025.

Malgré les promesses du rectorat, des professeurs contractuels basés à Mayotte peinent à percevoir leur rémunération dans des conditions normales. En urgence, la CGT a mis en place une aide financière sous forme de prêt. La fin de la crise est espérée d'ici décembre.

 

Des professeurs contractuels obligés d'emprunter de l'argent à leur famille pour subvenir à leurs besoins et payer les factures. D'autres n'ont pas d'autre solution que d'envisager un retour en métropole. Dans le 101e département de France, les comptes ne sont pas bons pour des centaines d'agents, « plus de 350 collègues » selon un communiqué de l'Académie de Mayotte. Depuis la rentrée, leur salaire n'est pas versé ou alors partiellement.

« La part de contractuels s'élève à environ 30 % dans le premier degré [primaire] et autour de 60 % dans le secondaire [collège-lycée]. Soit 3 500 – 4 000 contractuels tout confondu. Sur ce total, nous estimons à 20 % la part d'enseignants impactés », calcule Bruno Dezile, Secrétaire général CGT Educ'action sur place. En guise de solidarité, « à la CGT, nous avons mis en place une aide financière sous forme de prêt à rembourser, une fois la situation régularisée. Cette avance peut atteindre 1 000 euros », indique le syndicaliste. Le rectorat annonce 30 000€ d'aides à venir.

Changement du système de paie

Le problème n'est pas nouveau à Mayotte mais s'est aggravé avec la bascule vers un système de paie intégré et informatisé, il y a trois ans. Bruno Dezile explique : « avant, les bulletins de paie étaient remplis manuellement par la division du personnel contractuel (DPC), puis remontaient à une antenne de la direction générale des finances située sur l'île. Elle s'occupait de la mise en paiement (…) Désormais, c'est la Direction régionale des finances publiques (DRFIP) basée à La Réunion qui déclenche le versement des salaires, en plus de ceux du personnel réunionnais. Leurs effectifs ne sont pas extensibles, ils doivent gérer des tâches supplémentaires liées aux particularités de Mayotte (ex : indemnité de remboursement partiel de loyer). » Pire : les anomalies prennent plus de temps à être traitées si elles ne sont pas signalées dans les temps.

En parallèle, le rectorat mahorais peine à fidéliser son personnel administratif. « Cette année, le turn-over au service gestion de paie est assez important à cause des conditions de travail difficiles. Les agents manquent d'espace pour stocker les dossiers et doivent traiter des cas plus complexes que dans les autres académies. A cela s'ajoute la flambée des crises sociales et de la violence sur place. » Les nouveaux embauchés sont précipités dans un service en sous-effectif, en plein scénario catastrophe, confrontés à des logiciels « usine à gaz ».  Une mauvaise manipulation de leur part, favorisée par un déficit dans leur formation, est susceptible d'entraîner de fâcheuses conséquences sur la rémunération des professeurs contractuels. Pour autant, Bruno Dezile salue leur engagement. « Nous sommes inquiets à leur égard. Depuis la rentrée, c'est du non-stop. Ils bossent sept jours sur sept et sont épuisés. Certains subissent même des insultes et des menaces. »

Le rectorat en tournée dans les établissements

Sur l'île, les blocages d'établissements scolaires se multiplient. Les actions symboliques aussi : le 23 octobre, une trentaine de professeurs n'ont pas hésité à s'allonger à terre sur la place de la République à Mamoudzou. Une pancarte portant l'inscription « zombies du rectorat en grève » a été aperçue. Dans une tentative de calmer le jeu, et de recenser les agents concernés par les soucis de paie, des délégations du rectorat écument collèges et lycées. « Parfois, ça ne passe pas trop auprès des collègues », admet le secrétaire général. Des acomptes ont été débloqués mais les sommes sont jugées insuffisantes.

Le ministère de l'Éducation nationale promet un retour à la normale d'ici fin décembre. Bruno Dezile est dubitatif. « Une autre difficulté se pose : à cette période, la paie est versée beaucoup plus tôt, autour du 20. Les autres mois, il est possible de prolonger jusqu'au 10 voire le 15 les modifications afin de débloquer le paiement. Concrètement, ça signifie qu'il n'y aura pas de possibilités d'intervention sur la paie de décembre. Il faut espérer que des collègues ne se retrouveront pas en difficulté avec les salaires de novembre et de fin d'année, sinon les fêtes ne vont pas être tristes… »

Jonathan Konitz