Fret ferroviaire : la CGT s'insurge contre un scandale d'Etat
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Quinze mille cheminots chez Fret SNCF il y a quinze ans, cinq mille aujourd’hui. Ces deux chiffres résument l’effondrement du fret ferroviaire en France. En 2019 – derniers résultats connus hors période Covid – la route se taillait une part de 89% du transport de marchandises, pour seulement 9% par rail (1). La gare de triage de Somain, située entre Douai et Valenciennes, dans le Nord, a vécu, comme beaucoup, d’autres cette descente aux enfers. De 600 cheminots en 2009, elle n’en emploie plus qu’une grosse soixantaine. C’est pour refuser une disparition complète – et, à l’inverse, réclamer un plan de développement – que plus de 200 personnes ont manifesté lundi 26 juin, depuis la gare jusqu’à la place de la mairie, à l’appel des syndicats de cheminots CGT, Sud et CFDT. Le plan de « discontinuité de l’activité » de la direction de Fret SNCF et du gouvernement pourrait, en effet, être le coup de grâce pour de nombreux triages. Celui-ci fait suite à l’annonce, en janvier dernier, d’une enquête de la Commission européenne « sur des aides financières non conformes avec les règles libérales de la concurrence », résume Franck Leroy, secrétaire de la CGT Cheminots à Somain. Parmi les principales mesures dans les cartons, « la création d’une filiale de maintenance de fret ferroviaire », dans laquelle seraient transférés 500 cheminots de Fret SNCF, pour obtenir « une productivité accrue, en abaissant les droits et conditions sociales des cheminots », dénonce Franck Leroy. Il s’agit également de céder au privé, fin 2023, les activités rentables, soit « 30% du volume total de l’activité de Fret SNCF », ainsi que « 40% des actifs immobiliers », ajoute-t-il. Sauf que tout cela relève « d’une pièce de théâtre », puisque la Commission européenne « ne rendra son rapport d’instruction que dans un délai de 18 à 24 mois », précise le cheminot CGT.
Somain accueille encore des convois de bobines d’acier en provenance des usines Arcelor-Mittal du Dunkerquois, de la chaux à destination de ces mêmes usines ou encore des trains de céréales livrées à l’amidonnerie Roquette, à Lestrem, dans le Pas-de-Calais. Mais la gare de triage est dans un état d’abandon inquiétant, avec 60% des voix fermées à la circulation car trop dangereuses, faute d’entretien. Le transporteur Bils-Deroo, qui aimerait embrancher sa plate-forme logistique au triage ne sait même pas comment, techniquement, y parvenir.
A l’occasion d’un court meeting sur la place de la mairie, après les prises de parole syndicales, des élus PCF et LFI – le maire de la ville, le président de la communauté de communes, deux conseillers régionaux, deux députés, un sénateur… – et un militant local d’EELV proclament leur volonté de sauver et, mieux, développer le fret ferroviaire en général et le triage de Somain en particulier. Face aux défis du climat, de la pollution et des engorgements routiers, une « organisation publique des transports » est indispensable, dans laquelle « l’Etat doit pouvoir subventionner le fret ferroviaire pour le rendre plus attractif que la route », déclarent-ils en substance. Rien d’impossible quand on sait que la part du transport de marchandises par rail tourne autour des 20% en Allemagne – bien plus encore en Suède – ou que la Suisse impose aux camions de « prendre le train » pour traverser le pays. Rendez-vous est déjà donné à la rentrée pour de nouvelles mobilisations. La lutte qui, à la fin des années 2000, a empêché la disparition du triage de Somain est encore dans tous les esprits.
(1) Statistiques du ministère du Développement durable.
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