Aux funérailles de Madeleine Riffaud, des chants et de l'émotion
Ce mercredi 20 novembre 2024 au cimetière du Montparnasse, se tenaient les funérailles de Madeleine Riffaud, décédée le 6 novembre dernier à l'âge de 100 ans. Dans un... Lire la suite
Notre ami Jean-Claude Poitou n'est plus. Dans le métier, on disait avec admiration et respect que Jean-Claude était une « plume ». À l'heure où nous apprenons avec tristesse le décès, à 87 ans, de celui qui fut rédacteur en chef de la Vie Ouvrière de 1986 à 1991, c'est tout naturellement que nous revient en mémoire Le coup de colère, ce cinglant billet d'humeur qu'il signait en avant dernière de couverture dans notre magazine, alors hebdomadaire.
Journaliste et homme de convictions, indigné face à toute injustice, Jean-Claude était profondément militant, mais aussi – cela n'est pas incompatible – poète à ses heures. Deux jolis recueils, Épluchures et Balayages (*) témoignent d'ailleurs d'un talent littéraire qui n'oubliait pas les engagements de cet homme discret aux côtés des humbles, des sans-voix, des sans-grade, des sans-papiers, des sans-droits…
Unissant l'habileté du reporter, la méticulosité et l'érudition de l'historien, le talent du romancier et la mémoire d'une classe ouvrière qui refuse l'effacement et le silence, il signait en 2006 La mine d'enfer. Son coup de maître ? Jean-Claude s'y glissait dans la peau d'un reporter de La Petite France envoyé couvrir la catastrophe de Courrières (Pas-de-Calais) où, un siècle auparavant, près de 1 100 mineurs restèrent dans la fosse que la compagnie minière s'empressait de fermer… Avant que treize rescapés n'en sortent, par leurs propres moyens, trois semaines plus tard ! L'ouvrage, qui s'ouvre sur un exergue de L'Enfer de Dante, est un petit chef-d'œuvre de vivacité qui plonge le lecteur au cœur de l'action.
Jean-Claude était tout cela, un homme de talent, de cœur, de convictions et d'une belle lucidité qui resta au service de « son » journal (et de VO Éditions) aussi longtemps qu'il en eut la force. Un vrai homme de plume qui pouvait plancher une heure sur un titre, une phrase, cherchant le mot juste, peaufinant une expression, une tournure…
À sa famille, à ses amis, la Nouvelle Vie Ouvrière adresse aujourd'hui ses condoléances attristées.
Il n'est de meilleur hommage que de se replonger dans les archives pour y retrouver des perles telles que ce Coup de colère d'octobre 1991 d'une troublante actualité :
« Raus…
Il est des mots que les plus âgés d'entre nous avaient enfouis au fond de leur mémoire. Mais à nouveau, on entend crier « Raus » (Dehors) dans les villes d'Allemagne et les inscriptions « Immigrés dehors » se multiplient, de même que les mises à feu de leurs foyers, de même que les attaques contre tout individu au faciès venu d'ailleurs, qu'il soit turc, libanais, marocain, tzigane, noir ou juif.
Au point que ces « ratonnades » semblent devenir la distraction préférée du week-end pour des bandes de jeunes skinheads en mal d'identité.
Plus de cinq cents agressions racistes recensées par la police depuis le début de l'année. Trois morts et des dizaines de blessés, y compris des enfants. Le week-end dernier : quatre Turcs agressés et blessés ; un étudiant marocain attaqué par trente jeunes ; un Uruguayen attaqué au couteau dans un train ; cinquante skinheads ravageaient un restaurant turc ; des tombes profanées dans un cimetière de Berlin…
Consolation ! Cela ne se passe pas chez nous, mais de l'autre côté du Rhin !
Encore que… ce même week-end, nous ayons pu entendre un ancien ministre de l'Intérieur français déclarer en public « Intrusion, occupation, invasion, les trois mots sont exacts ».
Grand défenseur du « droit du sang », Monsieur Michel Poniatowski a dû oublier que sa riche lignée, aux origines plus polonaises que gauloises, s'était « introduite » un jour dans la vie militaire puis politique de la France !
Se vantant d'aller « plus loin que Le Pen », vous l'entendrez bientôt déplorer qu'une compatriote de ses ancêtres, une certaine Marie Sklodowska, ait pu « occuper » à Paris un vieux laboratoire délabré… pour y découvrir rien de plus que le radium…
Ce qui prouvera que l'odieux peut rejoindre le ridicule. »
(*) Extrait de Balayages
Armé d'un balai de boulot,
il avait entrepris de balayer devant sa porte
comme s'il était facile de se débarrasser d'idées
qui lui occupaient l'esprit depuis un certain
temps,
ou de les ranger dans un tiroir,
ou de les afficher dans la bibliothèque,
ou de les solder à un pucier.
Dans ces cas-là, mieux vaudrait un bon coup de
balai,
car les idées vieillissent elles aussi
comme ces journaux d'hier
qui traînent à terre
et nous replongent dans un passé déjà dépassé.
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