Le fascisme ne passera pas ?
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Fatiguée d'une vie devenue « insupportable » à Paris après les attentats de 2015, Jessica, jeune femme d'origine antillaise, décide de retourner « chez elle ». Las, les souvenirs de jeunesse explosent rapidement un à un face à la nouvelle menace à laquelle elle est aussitôt confrontée. Menace qui s'est propagée dans chaque recoin, s'emparant des corps et des esprits à l'insu du plein gré de tous pourrait-on dire : la banane.
La banane. « L'or jaune » de la Guadeloupe et de la Martinique. Un secteur essentiel de l'économie locale. Avec environ 1 actif antillais sur 20 impliqué d'une manière ou d'une autre dans cette activité et la grande majorité des salariés agricoles employés par la filière, sans oublier les ressources financières apportées par son exportation, pour beaucoup, la banane, c'est la vie.
Mais aussi la mort, comme le découvre petit à petit Jessica. C'est que, depuis que, entre les années 1979 et 1990 en particulier, ules producteurs se sont lancés dans un usage massif de pesticides, et principalement du chlordécone, cela parfois, souvent, au mépris du respect de toute réglementation et interdiction, et c'est un euphémisme, l'or jaune s'est petit à petit transformé en catastrophe. Humaine et écologique.
Qu'on en juge. Quelque 800 000 personnes, pratiquement toute la population des deux îles donc, montrent aujourd'hui des traces de ce pesticide dans leur corps. Les cancers, en particulier ceux de la prostate, sont en augmentation régulière. Tout comme le nombre d'enfants contaminés à la naissance, avec des risques possibles sur leur développement futur. Quant aux sols, et avec eux l'eau, ils sont pour la plupart désormais souillés pour un minimum de quelques décennies, quand ce n'est pas des siècles.
Comment en est-on arrivé là ? La jeune femme veut comprendre. Elle rencontre les travailleurs et les syndicats agricoles, mais aussi les planteurs, souvent plus préoccupés par leur statut social et la « guerre des bananes » avec les autres pays producteurs que de la santé de leurs employés.
Elle questionne des chercheurs sur ce chlordécone considéré comme « neurotoxique » et interdit aux États-Unis depuis son invention dans les années 1950. Elle ressort quelques archives plus qu'intéressantes, et à charge, du ministère de l'Agriculture français, manifestement depuis longtemps sous la pression des industriels de l'agro-alimentaire et de la chimie. Elle s'interroge sur les paroles d'Emmanuel Macron affirmant, en février 2019, devant les maires ultramarins, que si le chlordécone « n'est pas bon, il ne faut pas dire que c'est cancérigène », balayant ainsi les études sur le sujet et la réalité du terrain.
Ce formidable travail d'enquête, mené par une journaliste spécialisée sur l'Afrique et découvrant les Antilles, un épidémiologiste a l'Inserm, un ancien chargé de mission interministérielle chloredécone, et l'illustrateur Nicolas Gobi, est aussi minutieux que précis. Cette BD-reportage plus qu'étoffée – 240 pages –, est aussi agrémentée pour l'occasion de photographies de certains intervenants qui apportent encore plus de chair au propos.
De quoi nous immerger au cœur de ce que l'auteur considère comme un scandale sanitaire, digne du qualificatif de « délit d'écocide » tout juste annoncé par le gouvernement. Implacable et terrifiant…
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