Emmanuel Macron, médaille d’or du déni
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Lorsque Bérenger Cernon nous reçoit, dans son QG de campagne à Brunoy (91), il se démène avec des formalités administratives. Conducteur de train depuis dix-sept ans, le voilà désormais employeur de trois attaché.es parlementaires. Il lui faut aussi trouver un local pour tenir sa permanence : « Toutes les mairies de la circonscription sont de droite, elles ne vont pas nous faciliter la tâche… » Bérenger Cernon, 36 ans, est encore en train de réaliser son exploit : avoir délogé le baron local Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) de son siège de député dans la 8ème circonscription de l’Essonne, après 27 ans de mandat.
Rien ne prédisposait ce militant de terrain à devenir député. Petit-fils de cheminot, il rejoint la SNCF en 2008 comme conducteur sur les lignes D et R. Un métier dont il tire une grande fierté et qu’il compte bien retrouver après son passage à l’Assemblée. « On est au service des gens, on a de grandes responsabilités, c’est très valorisant. » Mais ce qu’il retient surtout de ses dix-sept années à la SNCF, ce sont les luttes. Fils de syndicalistes, il rejoint la CGT dès son arrivée à la SNCF. Six mois plus tard, il est élu délégué du personnel, puis secrétaire de CHSCT, puis secrétaire général du syndicat CGT des cheminots de Paris Gare de Lyon.
D’ailleurs, les habitués des AG de la Gare de Lyon le connaissent bien : le militant a été en première ligne de toutes les mobilisations de ces dernières années. À commencer par celle contre la réforme des retraites de Nicolas Sarkozy en 2010. « Ce fut ma première grosse grève reconductible, on dormait au syndicat et on se levait tôt le matin pour tenir le piquet de grève. J’ai tout de suite aimé cette fraternité. » Puis vint la grève contre la réforme ferroviaire de 2014, la mobilisation interprofessionnelle contre la loi Travail en 2016, celle contre le pacte ferroviaire en 2018, puis les mobilisations contre les réformes des retraites en 2019 et 2023. Bérenger Cernon fut de tous ces combats.
Son activité syndicale l’amène à côtoyer le monde politique. D’abord encarté au PCF, il rejoint ensuite le Front de gauche, devenu ensuite la France Insoumise. Son désaccord avec son parti originel ? « La question du nucléaire et du productivisme. » À partir de 2017, il est actif dans les groupes d’actions de la LFI et lorsqu’il quitte ses mandats syndicaux en 2020, il prend des responsabilités au sein du mouvement. En 2021, il se présente aux élections régionales sous la bannière LFI, avec l’envie de défendre les transports : « J‘ai pris un taule », se rappelle-t-il amusé. Puis, il s’implique dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon pour les élections présidentielles de 2022, avant de devenir directeur de campagne de Émilie Chazette-Guillet, candidate Nupes de la circonscription aux élections législatives. Cette dernière s’inclinera au second tour face à Nicolas Dupont-Aignan, indéboulonnable.
Émilie Chazette-Guille n’étant pas disposée à se relancer dans une campagne, Bérenger Cernon se présente aux élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet. Face à lui, deux poids lourds de la politique : Nicolas Dupont-Aignan, « une bête politique », qui dispose, entre autres, du soutien du maire de Yerres, et François Durovray, président LR du conseil départemental de l’Essonne. « Nous avons eu la chance d’avoir très rapidement un débat sur BFM Île-de-France et je n’ai pas été trop mauvais. Cela m’a permis de me faire un nom et de donner du souffle à la campagne. » Le soutien apporté par la Confédération au programme du Nouveau Front Populaire, « une décision très forte », offre un angle d’attaque à ses adversaires : « Ils ont répété à l’envi que j’étais un meneur des grèves sur le RER D et que j’allais bordéliser l’Assemblée ! » Sur le terrain, Bérenger renverse le stigmate, et fait de son profil atypique, ouvrier salarié et syndicaliste, un atout pour amener les dégoûtés de la politique à se mobiliser. « C’est le porte-à-porte qui a fait toute la différence et qui a permis de faire voter les habitants des quartiers populaires, habituellement abstentionnistes. » Il mène une campagne express et intense, durant ses congés annuels de la SNCF, et avec l’aide précieuse de 150 militants. Avec 40,52% des voix, il arrive devant ses adversaires, avec un très fort taux de participation, notamment dans les quartiers populaires.
Passé le choc de l’annonce des résultats, « la joie et les larmes », Bérenger Cernon a dû endosser ses nouvelles fonctions. Ce mardi, il a fait sa rentrée à l’Assemblée nationale au sein de son groupe parlementaire. « La question pour nous, désormais, c’est comment gouverner, et comment faire diminuer le vote pour le Rassemblement national. » Car si les très nombreux désistements ont permis, cette fois, d’endiguer la vague brune, la recette ne pourra pas durer éternellement : « Je pense qu’il faut que l’on arrive à donner du concret aux gens, et à faire une vraie politique de gauche. »
Pour la suite, Bérenger Cernon compte bien se servir de son mandat de député pour défendre le rail : « Il faut un moratoire sur la casse du fret ferroviaire et renationaliser la SNCF. Il faut que la SNCF redevienne un Epic (établissement public à caractère industriel et commercial, NDLR), une entreprise unique et intégrée. » Plus généralement, il défend un « État stratège », qui mettrait la défense du service public au centre de son action. « Là où le service public est attaqué, il y a une flambée du Rassemblement national », observe-t-il, consterné. Enfin, autre préoccupation majeure du nouveau député : parvenir à lier le travail de terrain et celui à l’Assemblée nationale. « Toute ma formation politique s’est faite sur le terrain. Le politique a besoin du monde syndical et inversement. Même si le Nouveau Front populaire parvient à gouverner, j’espère que nous aurons des mouvements sociaux très importants pour soutenir le combat. »
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