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PALESTINE

« Comment faire comprendre que c’est un génocide? »

19 novembre 2025 | Mise à jour le 19 novembre 2025
Par | Photo(s) : RODGER BOSCH / AFP
« Comment faire comprendre que c’est un génocide? »

Francesca Albanese, lors d'une conférence de presse. 28 octobre 2025.

Lors d’une rencontre organisée au théâtre Berthelot à Montreuil (93) par les éditions Libertalia, la rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les territoires occupés, Francesca Albanese, évoque les ravages de l’occupation israélienne en Palestine, le génocide à Gaza et la complicité du monde. Son dernier livre, Quand le monde dort. Récits, voix et blessures de la Palestine, est un uppercut envoyé à la face de notre coupable indifférence.

« Pour la première fois, je me sens véritablement indignée. Indignée par l'indifférence. Par la violence de ce génocide, la manière dont il s'est immiscé dans notre quotidien […] Je me retrouve une fois encore, face à des représentants d'États qui – ensemble, et certains plus que d'autres – pourraient mettre un terme à tout cela. » Ainsi, démarre par un extrait de son discours devant les Nations Unies en octobre 2024, le dernier livre de Francesca Albanese. Quand le monde dort. Récits, voix et blessures de la Palestine est un uppercut que la rapporteuse spéciale de l'ONU sur les territoires occupés, envoyé à la face de notre coupable indifférence. En mêlant son témoignage de juriste à ceux de figures palestiniennes et israéliennes, Francesca Albanese raconte l'enfance assassinée à Gaza, l'enfer que vivent les populations en territoires occupés par Israël depuis 1967, les ravages d'un régime d'apartheid et l'indicible génocide en cours depuis les attaques terroristes du Hamas le 7 octobre 2023. Elle revient sans fard sur les accusations d'antisémitisme dont elle fait l'objet, dénonce l'instrumentalisation qui peut en être fait.  Le premier chapitre est consacré à Hind Rajab, enfant de six ans assassiné fin janvier 2024 alors que la voiture de sa famille était prise sous un déluge de balles de l'armée israélienne. Son corps sera retrouvé en même temps que ceux des deux secouristes, abattus avant d'avoir pu la rejoindre.

Les cercles de l’Enfer

Devant une salle comble au théâtre Berthelot à Montreuil (Seine-Saint-Denis) un dimanche de novembre 2025, Francesca Albanese est revenue sur son choix de consacrer chacun de ses chapitres à une rencontre, « des gens qui m'ont aidée à comprendre la Palestine, des vigies pour nous guider dans les cercles de l'Enfer. On se retrouve ensemble, dans les pages de ce bouquin, à expliquer aux lecteurs ce qu'est l'occupation, être réfugié, le génocide. Comment on soigne le traumatisme chez les Palestiniens, chez les Israéliens ? » témoigne celle qui a documenté l'anatomie d'un génocide dans un rapport publié en juillet 2024. « Si un génocide se définit comme une action systématique de détruire un peuple, en détruisant tous les moyens de vivre, les réseaux d'eaux, les hôpitaux, l'accès à la nourriture, aux médicaments, en détruisant les écoles, la culture, en détruisant votre passé, votre présent et votre avenir, alors que manque-t-il à la Palestine pour faire comprendre au monde que c'est un génocide ? » interpelle-t-elle.

Régime d’apartheid

La huitième rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation des droits de la personne dans les territoires palestiniens revient sur sa prise de conscience qui l'amène à qualifier la politique d'Israël  de régime d'apartheid menée en Palestine. « D'un côté, un droit militaire imposé aux Palestiniens ; de l'autre, un droit civil pour les colons israéliens. Les Occidentaux traitent l'occupation israélienne comme si elle était normale, alors qu'elle est illégale. Aider sa population à se transférer dans les territoires occupés, c'est illégal. Je comprends l'attachement religieux à la terre, mais ça ne donne pas le droit d'en chasser celles et ceux qui l'habitent » Interrogée sur la déprogrammation d'un colloque sur « La Palestine et l'Europe », qui devait initialement se dérouler au Collège de France les 13 et 14 novembre derniers, et finalement déplacé dans un lieu plus petit et moins prestigieux, Francesca Albanese ne mâche pas ses mots. Elle évoque une « violence institutionnelle des pays occidentaux qui cherche à faire taire toute voix qui veut comprendre la situation coloniale et génocidaire en Palestine. Je suis choquée de voir les universités se fermer au débat. Des groupes de pression frappent au cœur la liberté de penser et on se voit muselé parce que nos États protègent un État d'apartheid. Cette décision (de déplacer un colloque, ndlr) ne vous fait pas honte ? Elle ne vous fait pas peur ? On normalise le manque de liberté et c'est ainsi que le fascisme commence ». « Le génocide de Gaza fait désormais partie de notre histoire collective, une tache indélébile qui pèsera sur l'humanité et pour laquelle nos petits-enfants demanderont des comptes. La question qui se pose à présent est celle de l'avenir : comment avancer ? » Question vertigineuse.