Dans Queen of Montreuil, Samir (Samir Guesmi) était ce grutier dégingandé, sérieux et rêveur, déconcerté par l'irruption dans sa cabine haut perchée d'Anna, une Islandaise intrépide (Didda Jónsdóttir) venue admirer le paysage en fumant des pétards. Agathe (Florence Loiret Caille) y campait une réalisatrice qui rapatriait d'Islande les cendres de son défunt mari avant de se rendre compte qu'il n'avait peut-être pas été l'homme de sa vie…

Entre Queen of Montreuil et L'effet aquatique, mais aussi Back Soon, premier volet de cette trilogie, Solveig Anspach, a pratiqué une sorte de cadavre exquis, puisqu'on retrouve Samir (toujours grutier) et qu'Agathe est devenue maître-nageuse de la piscine municipale de Montreuil. Un sacré petit bout de femme cette Agathe, qui ne s'en laisse pas conter, lorsque, dans un café montreuillois elle rembarre vertement un type aux propositions de boulot douteuses.

Dans son coin, Samir observe la scène, ébahi, et tombe instantanément amoureux d'Agathe et de ses quarante kilos tout mouillés. Mais comment l'approcher si ce n'est en prenant des leçons de natation ? Samir, maillot de bain à palmier en poche, se précipite donc souscrire un abonnement à la piscine bien qu'il sache parfaitement nager… et va donc mentir à Agathe qui, bien qu'attirée par Samir, prend très mal cet innocent stratagème.

Invitée à un congrès de maîtres-nageurs en Islande – pays d'eau s'il en est – Agathe y file retrouver son amie Anna, conseillère municipale à mi-temps de la ville organisatrice et bientôt Samir qui y a suivi la belle, profitant de l'absence du représentant israélien pour s'introduire au congrès. Mais Agathe est vraiment très en colère et va tout faire pour lui pourrir la vie et se venger du mensonge d'un Samir énamouré…

Comme toujours dans les films de la réalisatrice, la féérie côtoie le burlesque et la piscine devient un lieu à la fois magique et hors du monde peuplé d'une petite tribu de joyeux allumés. De la maître-nageuse obsédée sexuelle (Olivia Côte) à l'employé du vestiaire baratineur (hilarant Philippe Rebbot) au caissier trop bavard, incarné par Estéban, ci-devant chanteur des Naïve New Beaters, et même une apparition furtive de Solveig elle-même en directrice du stade nautique, sans oublier en Islande, Frosti (Jón Rúnólfsson) l'autre conseiller municipal à mi-temps qui trouve toute cette histoire terriblement « française » et romantique…

D'un univers aquatique l'autre, de l'eau bleutée de la piscine aux sources chaudes de l'île volcanique, de Montreuil à l'Islande, Solveig Anspach nous offre ici une bulle de drôlerie où l'on rit beaucoup, mais qui ruisselle aussi de vraie tendresse jamais mièvre, d'humanité et de poésie, un cocktail dont elle a, c'est à craindre, emporté le secret avec elle. Solveig Anspach nous a en effet quittés bien trop tôt, en août 2015.

Car en voyant L'effet aquatique avec un œil qui rit et un œil qui pleure, on sait comme l'aurait dit Brassens, « qu'au grand jamais son trou dans l'eau ne se refermait ».

À relire

Solveig Anspach n'est plus, son cinéma lumineux demeure.