11 avril 2018 | Mise à jour le 16 avril 2018
Violemment agressée en public par le directeur de son unité départementale, la secrétaire du syndicat CGT de la Direccte de Seine-et-Marne porte plainte contre sa hiérarchie et saisit le Défenseur des droits.
Les faits remontent au 13 février 2018. Quelque 70 agents de la Direccte de Seine-et-Marne sont conviés par leur hiérarchie à participer à un séminaire de travail sur le thème de la réduction des effectifs (de l'ordre de 15 %, soit 6 postes d'agents supprimés sur l'ensemble du département) et de l'habituelle et nécessaire réorganisation du travail qui s'en suivra.
Au grand étonnement des agents, le séminaire se tient dans les locaux d'une entreprise privée, en l'occurrence Safran Réau (Seine-et-Marne). L'entreprise est si collaborative qu’elle met une de ses salles de réunion à la disposition des équipes de la Direccte mais aussi son musée de l'Aéronautique et du Spatial, dont la visite doit agrémenter la séance de travail. Pour les agents de la Direccte 77 (qui a une mission de service public) et leurs syndicats, la CGT et Sud, le choix de ce lieu pose d'évidents et graves problèmes déontologiques et d'indépendance, ainsi que l'indiquent les tracts diffusés en amont du séminaire. Ils ne manquent pas de rappeler à leur direction que, de surcroît, Safran fait l'objet d'une procédure judiciaire toujours en cours, initiée par la CGT pour discriminations syndicales et blocage à l'évolution de carrière.
Connivences public-privé, le grand danger
Rien à faire ! Malgré les nombreuses demandes syndicales, le directeur départemental de la Direccte maintient ce drôle de dispositif public-privé. « Il n'était pas possible de s'y soustraire sous peine d'être sanctionné d'une journée de travail non rémunérée », précise Marie Guidon, la secrétaire du syndicat CGT de la Direccte 77. Consciente du caractère conflictuel et contraignant de ce séminaire, le syndicat CGT de la Direccte a fait une déclaration syndicale préalable à l'adresse des agents conviés au séminaire. Elle y récapitulait la position des syndicats et les griefs des agents (gel du point d'indice, réduction d'effectifs, rémunérations au mérite…) tout en soulignant le choix malvenu d'une entreprise privée pour héberger une réunion de travail d'agents assermentés de la fonction publique censés contrôler cette entreprise. L'affaire aurait pu en resta là… Elle prend une tout autre tournure lorsque le directeur, répondant à la prise de parole de Marie Guidon, se met à traiter les syndicats de « terroristes » et les agents de « bande de cons ». Pour finir, perdant tout sens de la mesure, il a saisi l'oratrice par le bras, l'a bousculée, insultée et l'a tiraillée pour l'arracher au groupe de ses collègues qui, sidérés, tenaient encore la banderole en faisant corps autour de la secrétaire malmenée.
Un moment d'une rare violence dans ce milieu habituellement feutré de la Direccte. D'ordinaire, la contestation s'y exprime dans des lieux dédiés à un dialogue social, le CHSCT, le CE, ou encore dans le bureau de la DRH. Alertée et saisie d'une demande d'enquête interne, celle-ci n'a toujours pas donné suite à la demande des syndicats et de l'agent agressée. D'où la décision de Marie Guidon de porter plainte en justice pour violences, insultes et discrimination syndicale contre le directeur de la Direccte 77.
Rassemblement de soutien
Soutenue par l'Union départementale CGT de Seine-et-Marne, Sud et la CNT, Marie Guidon était à l’honneur lors d'un rassemblement, jeudi 5 avril, devant la cité administrative, à Melun. « Quand les complicités ou connivences entre les services publics et les entreprises privées sont à ce point visibles et assumées, c'est le signe qu'une ligne rouge a été franchie quelque part », s'est-elle inquiétée. Bien déterminée à obtenir réparation du préjudice subi, mais surtout motivée par la défense des libertés syndicales qu'elle considère en grand danger, Marie Guidon a également décidé de saisir le Défenseur des droits, Jacques Toubon. En attendant les suites de ces procédures judiciaires, la CGT 77 réclame la mise à pied conservatoire du directeur de l'unité départementale de la Direccte. Marie Guidon, elle, exige qu'il soit à tout le moins mis hors état de nuire. Pour les agents comme pour les libertés syndicales.