L'héritage au coeur des inégalités (Partie 2/2)
La « société d'héritiers » ferait-elle son grand retour ? La richesse des Français est désormais issue aux deux tiers des héritages, et non du travail. Pour réintroduire... Lire la suite
Dans notre pays, les 10 % les plus riches détiennent plus de la moitié des richesses nationales quand les 50 % les plus pauvres n'en détiennent que moins de 10 %. Si l'impôt ne peut annuler cette inégalité, il contribue à l'atténuer. Ainsi, selon l'Insee, les 10 % des plus riches ont des revenus treize fois supérieurs aux 10 % les plus pauvres mais, une fois effectués les prélèvements obligatoires (fiscaux et sociaux), leurs revenus ne sont plus que sept fois supérieurs. « On peut avoir une vision critique de notre système fiscal et sur la redistribution des richesses. Il est loin d'être parfait, il est encore inégalitaire, mais nous avons en France un système fiscal et social redistributif », en déduit Alexandre Derigny, secrétaire général de la CGT Finances.
L'impôt a, notamment, vocation à corriger les inégalités de patrimoine, mais il le fait imparfaitement comme l'ont montré les travaux de l'économiste Thomas Piketty. Ainsi en 1900, en moyenne, 77 % du patrimoine d'un Français était issu de l'héritage. Cette part n'était plus que de 35,6 % en 1980 et elle est remontée à 55,1 % en 2010. En France, 80 % des milliardaires tiennent leur fortune d'un héritage et la taxation des héritages ne représente que 0,5 % des recettes fiscales comme dans la plupart des pays de l'OCDE. On est donc revenu, au cours des décennies, à un système de reproduction des inégalités grâce à divers moyens d'évitement de la taxation du patrimoine auxquels est venue s'ajouter la suppression de l'ISF (impôt sur la fortune). « La taxation du travail est plus élevée que la taxation du capital, souligne Alexandre Derigny. Pour les 0,1 % les plus riches, 80 % de leur revenu est issu du capital, tandis que 95 % de la population tire ses revenus du travail. » Selon les chiffres de l'Insee, les revenus après impôt des 10 % les plus riches ont augmenté de 31 % entre 1998 et 2018 tandis que les revenus des 10 % les plus pauvres n'augmentaient que de 9 %. Un système fiscal plus juste et plus redistributif devrait ralentir cette augmentation des plus riches et à l'inverse favoriser celle des plus pauvres.
Inégaux devant la fortune et les revenus, les Français le sont autant devant l'impôt comme le montrent les stratégies d'optimisation fiscale à grande échelle. Circonscrire les niches fiscales à celles socialement ou économiquement utiles permettrait de s'attaquer à un pan de l'optimisation. Quant à la fraude, la CGT Finances estime que « redonner les moyens humains et législatifs suffisants aux services de contrôle afin de pouvoir lutter efficacement contre les fraudeurs » ferait rentrer 8 milliards d'euros par an. Pour un impôt juste et efficace, il faudrait faire payer davantage ceux qui gagnent le plus. Parce qu'il est progressif, l'impôt sur le revenu est le seul à répondre à cet objectif, mais il faudrait, selon la CGT Finances « ajouter des tranches d'imposition pour rendre l'impôt sur le revenu plus progressif et augmenter largement son incidence ». L'incidence d'un impôt est la mesure de son impact sur ses contributeurs et pour tout impôt ou taxe, son étude pourrait ouvrir des perspectives de rééquilibrage.
Par exemple, le poids d'une taxe comme la TVA, proportionnellement plus lourd sur les revenus des plus pauvres, ponctionne 12,5 % de leur revenu contre seulement 5 % pour les plus riches. Elle représente pourtant près d'un tiers des recettes fiscales. Cette injustice-là, dont les effets sont patents en ce moment sur les taxes énergétiques, pourrait être corrigée. Le taux le plus courant de TVA pourrait être ramené de 20 à 15 % et même à zéro sur les produits de première nécessité. Mais c'est un tout autre choix que fait le gouvernement en distribuant un chèque de 100 euros comme solde de tout compte de l'inflation.
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