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RECHERCHE

La concentration nuit à la recherche

27 octobre 2014 | Mise à jour le 13 juin 2017
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La concentration nuit à la recherche

La recherche et développement n'échappe pas à une mise en concurrence effrénée des territoires et, par là même, de ses salariés. Les plans campus et les politiques « d'excellence » poussent aux regroupements sur quelques pôles et métropoles. La capitale iséroise, terre d'innovation, en subit les effets. Cela, bien sûr, au nom de la « compétitivité internationale » concoctée en toute opacité.

«L'excellence ». C'est là où serait le nouvel Eldorado. « Les politiques économiques sont essentiellement tournées vers les écosystèmes d'innovation qui s'inscrivent maintenant dans le cadre de la “spécialisation intelligente” », explique Laurent Terrier pour le collectif recherche-industrie-formation CGT de l'Isère.

En clair, elles visent, ces politiques, à arroser des entreprises « choisies » pour s'insérer dans l'économie mondiale. Tous les crédits sur des futurs « champions » européens et mondiaux. À la clé, « promis, il y aura des créations d'emplois de qualité ». Et puis, « comment, sans elles, répondre aux défis sociétaux tels que la santé ou l'énergie ? »

Qu'en termes choisis ces choses-là sont dites ! Ainsi, à Grenoble, les soutiens aux politiques de recherche et développement visent essentiellement la microélectronique. On n'ose imaginer ce que vont devenir la mécanique, la chimie, l'électrotechnique…
Sur le polygone scientifique de GIANT, le campus grenoblois dit « de rang mondial », les moyens publics sont considérables : 1,1 milliard sur cinq ans pour le plan Nano 2017, 1,3 milliard pour l'aménagement de la Presqu'île afin d'y rassembler 10 000 emplois industriels, 10 000 emplois dans la recherche et 10 000 étudiants. ST, Schneider, Solvec et Biomérieux ne s'y sont pas trompés, leurs établissements étant carrément organisés au sein du polygone scientifique.

DOMAINES PHARES ET « SPÉCIALISATION INTELLIGENTE »

On l'a bien compris, cette concentration de fonds publics sur quelques domaines phare s'accompagne de l'abandon de pans entiers de l'industrie iséroise. Avec, à l'arrivée, un tissu économique de moins en moins diversifié.

Parmi les gagnants, ST Micro­electronics, qui, semble-t-il, n'en avait pas besoin, tant elle a versé de dividendes à ses actionnaires en 2013 (360 millions de dollars). D'autant que, de plus, le projet Nano 2017 est sans garantie d'emplois.

DES GRANDS GROUPES FERMENT LEURS CENTRES 
DE RECHERCHE 
EN FRANCE
AVEC 
LES FONDS DE 
LA RECHERCHE NATIONALE

Laurent Terrier analyse plus avant : « Sur le plan national, le crédit impôt recherche est passé de 1 milliard d'euros en 2006 à 6 milliards en 2013. Sauf que, sur dix ans, l'effort de recherche des entreprises stagne à 1,4 % du PIB. Des grands groupes ferment leurs centres de recherche en France avec les fonds de la recherche nationale. C'est le cas de Sanofi, qui a touché 150 millions d'euros en 2013 de crédit impôt… tout en en versant dans le même temps 3,6 milliards de dividendes à ses actionnaires. Cherchez l'erreur ! »

LOGIQUES DE RENTABILITÉ 
À COURT TERME

Quel sort est dédié à la plateforme chimique de Pont-de-Claix, en difficulté faute d'investissements ? La fermeture ? Tout est à craindre. Quelques-uns, quelque part, n'ont pas vu en elle de qualités de championne ! C'est à l'Europe et aux régions que l'on doit ce terme de « spécialisation intelligente ». Sept secteurs sont pointés, à l'exclusion de tout autre, destinés à faire émerger ces fameux grands gagnants européens et mondiaux. Comme la plateforme, Ascométal ou Arjowiggins, fabricant de papier de haute valeur ajoutée, n'ont pas trouvé grâce aux yeux des spécialistes de « l'intelligence ».

« L'industrie est une activité utile, qui a été grandement fragilisée ces trente dernières années par les politiques d'austérité et les logiques de rentabilité à court terme », déplore Laurent Terrier, en constatant amèrement que la « politique d'innovation n'est pas une politique industrielle ». « Financer l'innovation ne suffira pas pour développer l'emploi et les territoires, répondre aux besoins des populations. Aider les grands groupes sans remettre en cause leurs logiques financières est lourd de dangers », poursuit-il en invitant les pouvoirs publics à imposer une autre logique, celle de « l'intérêt général ».

Que l'État prenne le contrôle d'entreprises, à moins que ce ne soient les salariés eux-mêmes qui le fassent, comme chez Fralib.
Sinon, c'est l'égalité des citoyens sur le territoire national qui passe à la trappe. Ce qui se dessine déjà dans certains départements.

LA DÉMOCRATIE PASSÉE
 À LA TRAPPE

Hors des métropoles, point de salut ? L'Enseignement supérieur et la Recherche le savent. « En 2007, la loi LRU (loi relative aux libertés et responsabilités des universités) donnait leur autonomie aux universités, amorçant de fait un désengagement de l'État. Conséquence, souligne le syndicaliste grenoblois, elles connaissaient toutes de graves difficultés financières qui ont conduit à une grave détérioration des conditions de travail et à un appauvrissement de l'offre de formation. »
Dans ce contexte de concurrence, les universités se différencient progressivement.

C'était encore sans compter avec la loi Fioraso, qui donne un grand coup d'accélérateur au regroupement des établissements. Sur un territoire, tous doivent être rattachés à une « communauté d'universités et d'établissements » ou fusionner avec d'autres. Salariés et populations sont tenus à l'écart, aucune règle démocratique n'est déterminée. Les conseillers des métropoles seront-ils élus ? Et comment ?

« La nature de service public de l'Enseignement supérieur et la Recherche est profondément transformée. L'objectif étant de transférer les technologies vers le monde économique », constate Laurent Terrier. Une logique de concentration qui risque fort d'exclure des étudiants qui n'ont pas l'heur d'habiter la « bonne » métropole.

« Contre cette logique de visibilité internationale, de compétitivité, nous avons besoin d'un service public de l'enseignement supérieur et de la recherche qui garantisse l'égalité d'accès sur tout le territoire et réponde aux besoins des populations, là aussi sur le territoire en entier, indépendant des intérêts économiques et politiques. Cela tout en favorisant les coopérations entre les différents acteurs. En fait, un service public démocratique, associant usagers, salariés et sociétés aux orientations stratégiques », analysent les militants CGT du campus de Grenoble au regard de leur expérience.

UNE CONSULTATION PUBLIQUE NÉCESSAIRE

La santé n'échappe pas à cette logique. Les hôpitaux, note-t-on sur le terrain, sont obligés à des gains de « productivité » contradictoires avec ses missions. Ce qui entraîne déficits et endettements. Le CHU (Centre hospitalier universitaire) de Grenoble n'a-t-il pas été amené à « un contrat de retour à l'équilibre », suivi d'un plan d'économies drastiques et de nombreuses suppressions de postes ? Dans la foulée, le CHU a été décrété pôle référent pour l'Arc alpin.

Ainsi, pour rester dans le même département, le futur hôpital de Voiron ne sera plus généraliste, mais annexe du CHU de Grenoble. Sont d'ores et déjà annoncés le transfert de la « stérilisation » et des « laboratoires », ce qui ne manquera pas d'altérer la réponse aux besoins de santé des Voironnais.
Faire pleuvoir où c'est déjà mouillé ? Une conception du libéralisme qui échappe complètement aux populations qui n'auraient qu'à se soumettre ou… se soumettre.

Pour conclure, écoutons toujours Laurent Terrier : « La CGT estime que toute réforme territoriale doit être précédée d'une large consultation publique associant les organisations syndicales et les principaux acteurs de la société civile, avec, pour fil conducteur, une réponse pérenne aux besoins sociaux, économiques et environnementaux d'aujourd'hui et de demain. »