DCNS : le contrat du siècle sous vigilance syndicale
La commande de douze sous-marins par l’Australie pose de nombreuses questions. La CGT a engagé une coopération avec le syndicat australien AMWU pour que les salariés des deux... Lire la suite
«C’est une revendication de plus de 25 ans qui triomphe aujourd’hui. Ce 4 juin restera un moment important dans les luttes de la filière portuaire et maritime». Jeudi dernier, dans son intervention sur les quais du port de Marseille, Marc Bastide (fédération métallurgie) a souhaité conférer à la journée un caractère «historique». Au diapason d’une CGT dont personne n’entendait galvauder l’inauguration de la plus importante forme de radoub (1) disponible en Méditerranée, la troisième au monde.
D’autant que le patronat local semble avoir prévu de faire son propre raout en septembre. «Il nous a semblé impensable de laisser la primeur de cette inauguration à ceux qui nous expliquaient il y a quelque temps encore qu’il fallait se séparer de la forme 10 et la reboucher pour laisser place à des projets touristiques» a ironisé Patrick Castello de la réparation navale.
Tout en saluant «la victoire des salariés» acquise en 2010 après 503 jours d’occupation et de lutte qui avait abouti à une reprise des chantiers naval de Marseille (CNM), le secrétaire général Philippe Martinez, présent sur place, a, lui, voulu insister sur le fait que «l’industrie a de l’avenir dans ce pays».
Mise en service en 1975 et non utilisée depuis la fin des années 1990, la forme 10, longue de 465 mètres pour une largeur de 85 mètres, pourra accueillir les plus gros paquebots et les porte-conteneurs géants.
C’est bien cette perspective qui a conduit le Grand port maritime de Marseille (GPMM) à investir autour de 35 millions d’euros pour la remise à niveau de cette infrastructure XXL, répondant ainsi à une revendication ancienne des salariés du port. «Il n’y a pas d’autres outils de travail de cette dimension dans la région, insiste Marc Bastide. Sa remise en route permettra peut-être d’éviter des catastrophes en Méditerranée, c’est aussi cela qui compte pour nous.»
«Aussi», car, pour la CGT, l’enjeu essentiel demeure la revivification de l’activité industrialo-portuaire, et des emplois liés, sur le port de Marseille. C’est la CNM désormais dans les mains du groupe génois San Giorgio del Porto qui aura l’exploitation de la forme 10 selon un accord passé avec la direction du port. «Depuis qu’on exploite à nouveau les formes 8 et 9 (de taille plus modeste, ndlr), explique Noël Kouici, secrétaire de la section syndicale CGT CNM, on a pu constater qu’un emploi sur le chantier, c’est quatre emplois induits. Alors, là, ça ouvre des perspectives…»
En l’occurrence, le projet de créer une école des métiers de la mer et de mettre en place un grand plan de formation, défendu de longue date par la CGT, trouve dans le retour de la forme 10 un nouvel argument de poids. «Aujourd’hui, on est 104 contrats en CDI, résume Noël Kouici. Mais pour bien tourner, on devrait être plutôt entre 130 et 150.» Les travailleurs détachés de la sous-traitance, eux, ne manquent pas, comme l’a rappellé Patrick Castello, plaidant pour que les regards se tournent du côté de la jeunesse des quartiers nord tout proches où les taux de chômage dépassent parfois les 50%.
Les jours précédents, le GPMM a révélé qu’un incident (une fissure) s’était produit dans la construction de l’immense bateau-porte donnant accès à la forme (ouvrage confié à un groupement d'entreprises piloté par Spie Batignolles). Ce qui devrait entraîner un retard de calendrier pour la mise en route. Plutôt mars 2016 que septembre prochain. Pas de quoi inquiéter les salariés du port: «On a attendu 25 ans, on peut bien attendre 6 mois de plus», souriait Patrick Castello.
(1) Une forme de radoub est un bassin qui permet l'accueil de navires et leur mise à sec pour leur entretien, leur carénage, leur construction, voire leur démantèlement.