13 novembre 2019 | Mise à jour le 14 novembre 2019
Tâcher de faire de la France un pays exemplaire en matière de protection des lanceurs d'alerte : tel est l'engagement pris par les participants aux rencontres européennes des lanceurs d'alerte organisé le 7 novembre à la Bourse du Travail de Paris par l'Ugict-CGT et Eurocadres. Retour sur les temps forts de ces rencontres.
C'est une avancée majeure pour les lanceurs d'alerte, ceux qui les informent et ceux qui les soutiennent (ONG, syndicats, associations…). Le 7 octobre, les ministres de la Justice européens ont définitivement adopté une directive visant à mieux les protéger. La directive européenne vise à instituer de nouvelles règles qui permettent aux lanceurs d'alerte de jouer pleinement leur rôle sans crainte de représailles.
Reconnaître le rôle essentiel joué par les lanceurs d'alerte et ceux qui les informent ; placer l'exigence de transparence et de bonne gouvernance au-dessus des pouvoirs économiques et financiers ; permettre d'informer publiquement, voilà les principes que fixe la nouvelle directive. Charge à présent à chaque État membre de l'Union européenne de la transposer en droit national d'ici à deux ans.
Dès lors, deux cas de figure possibles : soit ils se contentent de la transposer à minima, soit ils ont l'ambition politique de se doter des meilleurs nomes et outils. L'enjeu est de taille. D'autant plus, en France, que les modalités de la transposition de cette directive pourraient venir contrebalancer la loi dite « secret des affaires » de 2016 qui protège les entreprises contre la divulgation d'informations sur leurs pratiques internes, même concernant des faits potentiellement nuisibles à l'intérêt général ;
Une immunité pour les lanceurs d'alerte
Faire sauter ce verrou du secret des affaires — que la France notamment, mais aussi l'Allemagne, souhaitaient maintenir — et, dans le même temps, garantir aux lanceurs d'alerte une sorte d'immunité contre d'éventuelles poursuites et représailles judiciaires, tel était le cœur du débat « Éthique contre attaques », thème des rencontres européennes des lanceurs d'alerte du 7 novembre à Paris, co-organisées par l'Ugict-CGT et Eurocadres*.
Ce colloque a réuni une vaste palette d'acteurs impliqués depuis la première heure dans la défense, la protection et le soutien (financier et juridique) aux lanceurs d'alerte : à commencer par la rapporteuse du texte européen, Virginie Rozière (ex-députée française RDG), le Défenseur des droits, de nombreuses ONG telles Sherpa ou Anticor, la Maison des Lanceurs d'Alerte (MLA), des syndicats (dont le Snj-CGT) et sociétés de journalistes, dont Mediapart ;
Également présents : de nombreux lanceurs d'alerte venus témoigner des scandales, sanitaires, financiers, environnementaux, rendus publics et des suites judiciaires endurées suite à leurs révélations. Tous ont plaidé pour une protection renforcée, pour davantage de visibilité donnée à leurs combats, et souligné la nécessité vitale de ne pas rester isolé et surtout, pour que la procédure d'alerte ne soit plus laissée aux mains de l'entreprise. Les cas de Julian Assange (WikiLeaks) et d'Edward Snowden (NSA Leaks) ont largement nourri les échanges autour de cette ambition revendicative partagée : faire de la France un pays de référence, voire exemplaire, en matière de protection des lanceurs d'alerte.
Un droit de savoir pour tous les citoyens
À ce titre, une lettre ouverte, rendue publique ce même jour, a été adressée au président de la République, Emmanuel Macron. Signée par 53 organisations (syndicats, ONG, sociétés de journalistes), elle appelle le chef de l'État à améliorer la loi française, notamment sur ces points essentiels : permettre le portage collectif d'une alerte, supprimer l'obligation pour le lanceur d'alerte de commencer par saisir sa hiérarchie, lui permettre d'être accompagné par un syndicat ou par un facilitateur (collègue, élu ou syndicat) bénéficiant des mêmes droits, étendre le droit d'alerte aux personnes morales…
Autant de revendications qui, dans un contexte législatif régressif et répressif tendant à affaiblir la démocratie et à restreindre les libertés publiques, exigent de créer un rapport de force puissant face au gouvernement.
Être associés au processus de transposition de la directive
D'où la demande des signataires d'être associés en amont du processus de transposition : D'où, aussi, la nécessité d'associer au plus près les sociétés et syndicats de journalistes à cette bataille. « Nous sommes dans une situation de mainmise sur les médias et de pression inédite sur les journalistes encouragée par les pouvoirs publics » a souligné Emmanuel Vire (secrétaire général du SNJ-CGT).
Et d'énumérer les lois récentes sur le secret des affaires, sur les fake news, sur la neutralité des journalistes et, à venir en décembre, une loi contre les propos haineux sur les réseaux sociaux qui va donner le pouvoir de sanction aux plates-formes Internet selon des critères que l'on souhaiterait connaître.
Droit de savoir : un enjeu citoyen
C'est bien cette logique qu'il s'agit d'enrayer afin de « garantir le droit de savoir.des citoyens », a fait valoir Laurent Mauduit (Mediapart).
Les suites de la bataille ? « Notre force a été de travailler collectivement et à différents niveaux », a rappelé Sophie Binet pour l'Ugict-CGT. « C'est à l'appui de ce collectif que les ONG, syndicats et groupes associatifs entendent créer le rapport de force nécessaire pour “faire de la protection des lanceurs d'alerte un enjeu citoyen. Et pour sortir tous les lanceurs d’alerte de l’impasse du “se soumettre ou se démettre” »
Un tiers des cadres témoins de « pratiques illégales » dans leur travail