Le gouvernement a présenté, ce mardi 18 juin, les nouvelles règles de l'assurance chômage. L'accès à l'indemnisation devient plus difficile pour les précaires et les plus pauvres, mais aussi pour les cadres. Elles doivent être adoptées d'ici à la fin de l'été. La CGT appelle à manifester le 26 juin.
Celle sur l'assurance chômage est la première grande réforme que le gouvernement lance depuis le mouvement des gilets jaunes. Et il frappe très fort, montrant que sa ligne politique n'a pas bougé d'un millimètre au cours des derniers mois. Le durcissement des règles d'indemnisation des chômeurs présenté par le premier ministre Édouard Philippe et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ce mardi 18 juin, achève ainsi le chantier destiné à flexibiliser le marché du travail et fera l'objet d'un décret publié « le plus rapidement possible, d'ici à la fin de l'été ». Chantier qui a été entamé en 2017 avec les ordonnances réformant le Code du travail et poursuivi en 2018 avec la loi « avenir professionnel » (formation professionnelle, apprentissage, assurance chômage).
L'assurance chômage, levier de la politique du gouvernement
Véritable levier de sa politique, cette reprise en main de l'Unédic par l'État était prévue dans le programme électoral d'Emmanuel Macron. L'objectif officiel est non seulement de redresser les finances du régime dans un indéniable souci d'ordre budgétaire, mais aussi d'inciter les chômeurs à renouer avec l'emploi en les décourageant de chercher à « profiter » du système… « Notre objectif n'est pas de faire des économies, notre objectif c'est de faire en sorte que le travail paie plus que l'inactivité », se défend régulièrement le premier ministre. Car dans l'imaginaire gouvernemental, ces derniers pourraient bien être considérés comme un peu fainéants. La preuve en serait d'ailleurs fournie par les difficultés qu'auraient certaines entreprises à recruter. Ces dernières semaines, le ministère du Travail s'est d'ailleurs employé à installer cette idée dans l'opinion publique, chiffres de Pôle emploi à l'appui. Il a dénoncé les chômeurs qui gagneraient plus avec leurs allocations qu'en travaillant et ceux qui, bénéficiant d'indemnités élevées, resteraient plus longtemps au chômage que les autres.
Avec la réforme présentée ce mardi, le gouvernement vise à dégager 3,4 milliards d'euros d'économies en trois ans (2019-2021) et à réduire de 150 000 à 250 000 le nombre de demandeurs d'emploi sur cette période. Il vise même les 7 % de chômage d'ici à 2022, voire le plein-emploi pour 2025. Avec de telles mesures, il peut surtout être certain d'avoir de moins en moins de chômeurs inscrits à Pôle emploi à indemniser.
La potion est amère pour les plus précaires et les plus pauvres
Le Premier ministre et la ministre du Travail ont annoncé ce mardi qu'à compter du 1er novembre 2019 il faudra avoir travaillé l'équivalent de 6 mois durant les 24 derniers mois pour bénéficier des allocations chômage au lieu de 4 mois sur les 28 mois précédents, actuellement.
La mesure, très lucrative, pourrait toucher 236 000 personnes selon le quotidien Les Échos et rapporter 160 millions d'économies.
De plus, il faudra avoir travaillé six mois au lieu d'un seul pendant sa période de chômage pour pouvoir « recharger » ses droits, c'est-à-dire voir son indemnisation prolongée d'autant. Un ensemble de dispositions que les plus précaires – ceux qui ont justement du mal à cumuler les mois de travail – vont subir de plein fouet, risquant de perdre toute indemnité pour basculer beaucoup plus vite et plus souvent dans le RSA.
Une autre grosse source d'économie qui sera faite sur le dos des plus pauvres est attendue avec cette réforme : le calcul de l'allocation se fait aujourd'hui sur un salaire journalier de référence (SJR). Le gouvernement envisageant de calculer l'allocation sur un mode mensuel, ce sont les personnes qui ont des contrats courts, émiettés, à temps partiel, qui, logiquement, vont y perdre le plus. Et ce sont les mêmes qui cumulaient temps partiel et indemnités chômage et risquent de ne plus pouvoir le faire, le gouvernement estimant que le cumul emploi-chômage n'inciterait pas à quitter la case chômage.
Certains cadres verront leur montant d'indemnisation réduit
Les salariés ne payant plus de cotisations chômage, le gouvernement s'estime libre, désormais, de les indemniser comme bon lui semble dans une logique d'étatisation du système et ne se prive pas de faire avec les cadres.
Une sorte de ballon d'essai vis-à-vis des autres catégories de salariés. Selon Pôle emploi les cadres dont les indemnités sont supérieures à 5 000 euros mensuels sont ceux qui restent le plus longtemps au chômage (575 jours). Le gouvernement a donc décidé qu'à partir de 4 500 euros bruts de salaire mensuel les cadres verront leur allocation réduite de 30 % à partir du début du 7e mois d'indemnisation avec un plancher fixé à 2 261 euros. Actuellement leurs allocations chômage ne sont pas dégressives, mais plafonnées à 7 700 euros brut par mois (0,03 % des chômeurs).
L'adoption d'une telle « disposition serait scandaleuse, inefficace et porterait un coup déterminant à un système contributif, assurantiel et qui est le socle d'une solidarité efficace, depuis de longues années, entre salariés actifs et salariés privés d'emploi » estiment les cadres CGT et la CFE-CGC. Ils viennent de lancer une pétition pour dire « non à la dégressivité des allocations chômage ».
Bien que peu touchés les chefs d'entreprise sont eux aussi mécontents
Pomme de discorde entre les syndicats de salariés et les représentants des employeurs au cours de décennies de négociation Unédic, le bonus-malus, destiné à sanctionner les entreprises abusant des contrats courts, était finalement promis par le gouvernement (et depuis la campagne électorale présidentielle d'Emmanuel Macron). Las ! il le met en œuvre a minima : seuls sept secteurs d'activité sont concernés par la mesure, notamment l'hôtellerie-restauration et l'agroalimentaire, mais le bâtiment et le médico-social (EHPAD…) – qui en sont de gros consommateurs – en sont exclus. De plus, en pratique, les cotisations sociales des entreprises concernées ne seront majorées que de 0,95 point quand les plus vertueuses verront leurs cotisations diminuées de 1,05 point.
Le patronat pousse des cris d'orfraie pour une variation de cotisation limitée à 1 % et assure déjà que le système est une « usine à gaz » qui ne produira aucun résultat. Certes, le forfait de 10 euros sur chaque contrat d'usage (CDDU) devrait décourager le recours de ceux de moins d'une journée ou de moins d'une heure, l'opération étant rendue moins rentable.
Pôle emploi devrait disposer des moyens lui permettant d'accompagner les chômeurs les plus fragiles
Survendu depuis des mois par l'exécutif, le volet « sécurisation » des salariés prévu par la réforme du marché du travail se limite, tout compte fait, à quelques moyens supplémentaires alloués à Pôle emploi pour accompagner les demandeurs d'emploi.
Les « permittents », qui alternent contrats courts et périodes de chômage, sont plus particulièrement ciblés. Ils devraient bénéficier de formations sur mesure afin de pouvoir s'adapter à un nouveau poste, d'un suivi intensif dès qu'ils entrent dans le régime. Pour ce faire, après trois années de réduction drastique de ses effectifs, l'organisme va bénéficier du recrutement de 1 000 nouveaux conseillers.
Le lapsus révélateur de la ministre du Travail, qui a fait le tour des réseaux sociaux, résume la situation. Elle a tout bonnement déclaré que c'est une réforme que le gouvernement veut « résolument tournée vers le travail, vers l'emploi, contre le chômage et… pour la précarité ».
Si tous les syndicats sont vent debout contre cette réforme, de son côté la CGT fait le constat que la mobilisation des assistantes maternelles a permis que le système « d'activité conservée » qui les concernait ne soit finalement pas remis en cause et en conclut « qu'il est possible de faire fléchir le gouvernement ». Elle appelle dans son communiqué publié mardi 18 juin 2019 à « développer les mobilisations unitaires et dans toutes les professions partout en France, le 26 juin, à l'occasion du prochain conseil d'administration de l'Unédic » pour empêcher « une réforme inique » et imposer ses « propositions pour le droit à l'indemnisation pour toutes et tous ».
D'ores et déjà, le 20 juin les professionnels du spectacle se rassembleront à 11 heures place du Palais-Royal à l'occasion de la séance plénière du Conseil national des professionnels du spectacle (CNPS) pour réclamer « la retranscription dans son intégralité de l'accord du 21 janvier 2019 » (relatif à l'indemnisation du chômage dans les branches du spectacle).