5 avril 2023 | Mise à jour le 7 avril 2023
Sans surprise, la rencontre entre l’intersyndicale et la première ministre Elisabeth Borne a tourné court, face au refus obtus du gouvernement de retirer sa réforme des retraites. Les syndicats continuent de faire front commun et appellent à manifester massivement jeudi 6 avril, pour la onzième journée de mobilisations.
Le suspens résidait surtout dans le fait de savoir combien de temps durerait le rendez-vous entre la première ministre Elisabeth Borne et les leaders des huit syndicats qui composent l'intersyndicale, fixé mercredi 5 avril à 10 heures, à Matignon. En l'occurrence, une petite heure. La cheffe du gouvernement a sans surprise refusé de revenir sur la réforme des retraites adoptée au forceps par l'Assemblée Nationale à coups de 49-3.
Comme déconnectée des réalités du pays et des mobilisations massives qui maintiennent le rythme depuis janvier, Elisabeth Borne a proposé aux syndicats de plancher sur d'autres sujets comme le sens du travail, l'usure professionnelle, les carrières longues, le partage des richesses… En face, les dirigeants syndicaux ont successivement pris la parole pour chacun à leur manière, répéter la même chose : pas question de renouer les fils du dialogue (de sourds) tant que la réforme n'est pas retirée. « Nous avons redit à la première ministre qu'il ne saurait y avoir d'autre issue démocratique que le retrait du texte. La première ministre a répondu qu'elle souhaitait maintenir son texte, une décision grave », a déclaré Cyril Chabanier, au nom de l'intersyndicale.
Tourner la page?
« Nous refusons de tourner la page et d'ouvrir, comme le souhaite le gouvernement, d'autres séquences de concertation sur des dossiers aussi divers que le plein-emploi ou le partage des richesses », a enchaîné le président confédéral de la CFTC. Dans sa déclaration commune, l’intersyndicale estime que chacune des organisations « sur chacun des dossiers suggérés pourra formuler le moment venu des propositions de nature à améliorer l’existence de nos concitoyens. Mais le moment n’est pas venu! La vie des travailleurs et travailleuses que nous représentons et que nous défendons n’est pas réductible à un enchaînement de séquences« . « Les travailleurs ne sont pas une page que l'on tourne. C'est trop facile d'imposer une réforme dont personne ne veut et ensuite de vouloir passer à autre chose », a déclaré François Hommeril, président confédéral de la CGC. « Il n'y a pas de compromis possible avec des gens qui vous volent l'argenterie », a taclé François Hommeril, en référence à l'interview télévisé d'Emmanuel Macron, lors duquel le président de la République avait regretté qu'aucune force syndicale n'ait proposé un compromis. Un compromis sur le report de l'âge légal de départ à la retraite, les syndicats, en effet, n'en veulent pas. Mais des propositions de financement, sur l'emploi des seniors, l'égalité salariale, les syndicats n'ont de cesse d'en mettre sur la table. Y compris lors de cette rencontre, vouée à l'échec face à l'intransigeance du gouvernement.
Un gouvernement dans une réalité parallèle
« Le gouvernement est dans une réalité parallèle. Le gouvernement et ses ministres sont aujourd'hui bunkerisés dans leur bureau, ils ne peuvent plus faire un déplacement sans que la colère ne vienne à eux. Le gouvernement pensait peut-être à travers cette rencontre pouvoir entamer l'unité syndicale. Nous avons tous redit que cette réforme n'était pas justifiée économiquement. Nous avons rappelé nos propositions alternatives. Nous avons témoigné des conséquences concrètes de cette réforme sur la vie des gens, d'une violence sans nom car elle leur vole deux ans de leur vie », a confié Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, pour qui c'était la première séquence institutionnelle d'importance depuis son élection lors du 53e congrès de la CGT, fin mars. L'ancienne secrétaire de l'Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens de la CGT dit aussi avoir rappelé la Première Ministre à ses responsabilités. « Quand on est cadre dans une entreprise, on doit parfois avoir le courage de dire non. Quand on est Première Ministre, on ne doit pas seulement servir de fusible, mais avoir le courage de s'opposer à une réforme qui va à l'encontre de l'intérêt général », a ajouté Sophie Binet, en sortant de Matignon. En attendant le Conseil Constitutionnel qui pourrait décider ou non d'une censure du texte le 14 avril, les leaders syndicaux ont appelé les opposants à descendre massivement dans les rues pour la onzième journée de mobilisation nationale, jeudi 6 avril. A demain, donc.