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PETITE ENFANCE

Maltraitances en crèche : 6 à 12 mois requis contre deux salariées de People & Baby

25 septembre 2024 | Mise à jour le 25 septembre 2024
Par | Photo(s) : Mathieu DREAN
Maltraitances en crèche : 6 à 12 mois requis contre deux salariées de People & Baby

Au grand dam de la presse, c'est à huis-clos que devait se juger l'affaire des deux salariées des crèches People & Baby accusées de violences sur enfants en bas âge et venues à la barre du tribunal de Lille ce 23 septembre 2024.

Dans la salle d'audience, Myriam Lebkiri, secrétaire de la CGT, et Stéphane Fustec, conseiller fédéral CGT petite enfance ont fait le déplacement pour signifier l'intérêt majeur que cette affaire suscite pour la CGT : « Ce sont des métiers à prédominance féminine avec une forte pénibilité, une absence de reconnaissance des qualifications. Le livre de Castanet révèle les liens des groupes privés avec le gouvernement et les conditions déplorables dans lesquelles on livre nos enfants au marché lucratif. Il manque 200 000 places d'accueil en crèches, mais il y a de moins en moins de candidats. C'est cela le prix du berceau low cost. Or il est indispensable de tout remettre à plat pour un service public de la petite enfance » estime Myriam Lebkiri. La dirigeante confédérale regrette toutefois la difficulté à syndiquer dans ce secteur avec des salariés souvent isolés et « qui ont pourtant bien besoin d'un syndicat ! »    

Opacité en interne

La CGT compte en effet peu de syndiqués chez People & Baby, réseau de crèches implanté dans une dizaine de pays, qui réalise en France un chiffre d’affaires de 85 millions d’euros. Essodong Barkola le délégué syndical CGT du groupe a voulu assister au procès : « Aucune information ne nous est donnée au comité social et économique (CSE). Je ne connais pas les salariées accusées et je voulais aussi entendre leurs explications. Ceci étant, les salariés du groupe parlent de cette affaire et estiment que la direction ne pouvait pas ignorer les signes de mal-être et de maltraitance. L'un des principaux indicateurs est le turn-over considérable qu'on constate parmi les personnels. »

L'auteur des Ogres réagit

Victor Castanet est aussi dans le public. Les avocats de la défense n'hésitent pas à le dénoncer comme un élément de pression qui justifierait un report du jugement, un argument qui n'a pas été retenu par les juges. L'auteur de « Les Ogres »* présent en soutien des parents des enfants victimes demeure serein. « J'ai suivi une partie des familles concernées par ce procès où neuf enfants ont été victimes de faits présumés de maltraitance ; des humiliations, des punitions, enfermés dans le noir pendant de longs moments, des privations de nourriture… et des coups, des griffures. Ce sont des familles que j'ai rencontrées il y a maintenant plus de deux ans et dont j'ai suivi le parcours. Je viens en tant que citoyen et journaliste. »

« Lorsqu'on incite les directrices à jouer sur la capacité d'accueil réglementaire ou à enlever des postes, évidemment on pressurise les équipes et les professionnels de terrain »

Le lanceur d'alerte s'étonne-t-il de voir la CGT présente ?  Bien au contraire : « Sur ces sujets, il y a aussi un élément majeur qui est la gestion des effectifs, notamment les pratiques RH (ressources humaines, NDLR) et les conditions de travail de ces salariés. Il y a une différence entre les groupes qui investissent dans la formation et la masse salariale et ceux qui ne le font pas comme People & Baby. Évidemment, le rôle des syndicats est essentiel parce que ce sont des professions pour la plupart occupées par des femmes relativement précaires, mal payées et peu syndiquées. Elles n'ont aucune force de négociation face à certains groupes comme la Maison bleue, où il n'y a pas de représentation du personnel. » Ce procès est-il alors seulement celui des derniers maillons de la chaîne ? « Il y a deux sujets, poursuit Victor Castanet. Il y a le sujet des faits de maltraitance portés par deux femmes professionnelles de terrain, et une responsabilité que la justice doit interroger. Mais mon travail d'enquêteur vise surtout à aller voir aux sièges de ces groupes comment les pratiques RH, mais aussi les pratiques financières, celles de l'optimisation des coûts – notamment sur les produits de première nécessité – ont des incidences sur les conditions de travail. Lorsqu'on incite les directrices à jouer sur la capacité d'accueil réglementaire ou à enlever des postes, évidemment on pressurise les équipes et les professionnels de terrain. »   

Besoin urgent d'une réforme

En soirée, on apprendra que les réquisitions à l'encontre des deux salariées inculpées allaient de 6 à 12 mois de prison avec sursis. Pour autant, et quel que soit le degré de responsabilité qui sera retenu à l'encontre de ces deux personnes, il serait illusoire d'imaginer que cette situation soit un cas unique. Outre les complicités supposées entre la Fédération patronale de la petite enfance et l’ex-ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, le livre de Victor Castanet atteste des éléments d'une maltraitance systémique.

**Les Ogres, livre enquête de Victor Castanet sur la maltraitance dans les crèches, sortie septembre 2024, 413 pages, éditions Flammarion, 22,90 euros. Journaliste indépendant,il est aussi l’auteur de Les Fossoyeurs, paru en 2022, qui a révélé le scandale Orpea et a bouleversé le secteur des Ehpad.