Ce 17 mars, s'ouvre la première séance de négociation salariale de la fonction publique. Un rendez-vous sous tension et très attendu. Alors que le point d'indice est gelé depuis 2010, les syndicats en demandent une augmentation « significative ».
Serait-ce que, déjà contesté sur son projet de loi Travail, le gouvernement voudrait s'épargner un second front avec les fonctionnaires ? Alors que le point d'indice, qui sert de base au calcul des rémunérations des 5,4 millions d'agents des trois versants de la fonction publique (État, territoriale et hospitalière), est gelé depuis 2010, Manuel Valls a emboîté le pas à Annick Girardin, la nouvelle ministre de la Fonction publique, en se prononçant en faveur d'une hausse « significative ».
À la veille de la première séance de négociation salariale qui s'ouvre aujourd'hui jeudi entre la ministre et les neuf organisations représentatives, il s'agit d'une inflexion du discours de l'exécutif. Il y a un mois Annick Girardin parlait encore, dans la lignée de son prédécesseur, Marylise Lebranchu, d'un « geste salarial, même symbolique ».
UN RENDEZ-VOUS TRÈS ATTENDU
Prévu par le protocole sur les parcours, les carrières et les rémunérations (PPCR) des agents, ce rendez-vous salarial est très attendu. Non seulement il devait se tenir en février et avait été retardé en raison du remaniement ministériel, mais, après six années de gel des augmentations générales, les syndicats de fonctionnaires avaient fait savoir qu'ils réclameraient une revalorisation « significative » du point d'indice.
Depuis 2010 celui-ci est bloqué à 4,63 euros et le PPCR assortit son dégel de conditions liées aux indicateurs économiques. C'est peu dire que la conjoncture n'y semble a priori pas favorable. Sauf que, dans un climat social explosif, les syndicats majoritaires (CGT, FO et Solidaires), non signataires du PPCR, font monter la pression.
Le gouvernement, qui entend dégonfler la mobilisation grandissante contre le projet de loi Travail, est donc prêt à entrouvrir enfin la bourse et privilégie désormais une augmentation générale plus que « symbolique ». On parlerait de 0,5 à 1 % voire un peu au-delà. Las ! Pour la majorité des syndicats, le compte n'y serait alors pas. Pour entrer en négociation, la CGT place la barre à hauteur de 2 % d'augmentation immédiate de la valeur du point, à quoi devront s'ajouter des engagements chiffrés concernant des mesures de rattrapages liées aux pertes intervenues les années antérieures. Exigences que la CGT pourrait ne pas être seule à porter ce 17 mars.
LA FONCTION PUBLIQUE MISE À MAL
Depuis 2010, via le gel du point d'indice, les fonctionnaires des trois versants paient un lourd tribut à la réduction de la dette publique. L'État aurait ainsi économisé sept milliards d'euros quand dans le même temps salaires et pouvoir d'achat des agents s'effondraient comme jamais. À titre d'exemples, les rémunérations des enseignants régressent alors qu'ils sont en augmentation dans l'ensemble des pays de l'OCDE et en 2012, selon les statistiques de la DGAFP (direction générale de l'administration et de la fonction publique – mars 2016), les salaires du secteur privé ont progressé de 0,6% mais n'ont crû que de 0,1% dans la fonction publique.
À cette situation salariale catastrophique, qui fait fi de leur travail et de leur engagement en faveur de l'intérêt général, vient s'ajouter pour les agents le spectre de la déclinaison dans la fonction publique de certaines dispositions du projet de loi Travail. Pire ! L'abaissement des garanties collectives dans le secteur privé pourrait devenir la porte d'entrée pour conforter voire amplifier les attaques déjà à l'œuvre contre le statut de la fonction publique.
MOBILISATIONS EN PERSPECTIVES
Hasard du calendrier, ce 17 mars les jeunes (UNEF, FIDL, UNL) manifestent pour le retrait du projet de loi Travail, rejoints par la CGT, FO, la FSU et Solidaires Des mobilisations sont également prévues les 24 et 31 mars. Si un appel à la grève et à la manifestation est lancé dans la fonction publique pour le 22 mars, en cas de désaccord avec le gouvernement sur les revalorisations salariales, certains syndicats privilégient la journée du 31. La CGT et Solidaires ont décidé de mobiliser les fonctionnaires dès ce 17 mars en fin de matinée, en soutien à la négociation, et l'après-midi, contre la loi Travail.
En Île-de France, rendez-vous est donc donné aux fonctionnaires de 11 h à 13 h à Saint-François Xavier, à proximité du lieu de la négociation. Pour la suite, la CGT s'engage dans la construction d'une semaine d'initiatives et de déploiement, entre le 21 et le 25 mars, ainsi que d'une journée d'action unitaire au cours de la première quinzaine d'avril. Celle-ci porterait à la fois sur les salaires, si les mesures générales proposées par le gouvernement s'avéraient insuffisantes, mais aussi sur les missions, l'emploi, contre les primes au mérite, etc. Les préavis de grève déposés pour cette période permettent aux agents de s'inscrire dans toutes les mobilisations, notamment dans les grèves et manifestations du 31 mars pour le retrait du projet El Khomri.