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LOI MACRON

Nouveau cycle ultralibéral

25 janvier 2015 | Mise à jour le 3 avril 2017
Par | Photo(s) : DR
Nouveau cycle ultralibéral

Le projet de loi, débattu à l’Assemblée à partir d’aujourd’hui 26 janvier, renforce l’exploitation des salariés, notamment via le travail du dimanche et de nuit, au seul bénéfice des patrons. D’orientation libérale, il restreint l’accès des salariés à la justice et renforce l’impunité patronale. Manifestations aujourd’hui dans plusieurs villes.

« Il faut voter la loi Macron » : dans une tribune publiée le 25 janvier par le Journal du dimanche, une trentaine d’intellectuels, d’économistes et surtout de patrons de grandes entreprises estiment que les députés n’ont « pas le droit de refuser les pas qui vont dans la bonne direction » et appellent à ce que ce texte de loi soit « le commencement d’un nouveau cycle ».

UN « NOUVEAU CYCLE » ULTRALIBÉRAL

Car le projet de loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques », qui doit être débattu à l’Assemblée à partir de lundi 26 janvier, est un projet de loi qui renforce l’exploitation des salariés au seul bénéfice des patrons.

D’une grande cohérence idéologique, l’ensemble de ses articles manifeste clairement que le retour à la croissance ne pourrait passer que par la déréglementation et la diminution des systèmes de protection des droits des salariés. Aux entreprises toujours plus de liberté pour renforcer leurs profits. Aux salariés toujours plus d’insécurité et moins de droits.

UN DÉNI DE DÉMOCRATIE DÉTRUIRE LE DROIT DU TRAVAIL

Le projet de loi comprend quelque 200 articles. Pour éviter au maximum la contestation prévisible de la part d’un grand nombre de députés, même après 495 amendements apportés en commission spéciale, le projet de loi renvoie quasi systématiquement à une législation par ordonnances, c’est-à-dire qu’une multiplicité de sujets fondamentaux sortiront du débat parlementaire. Les décisions seront prises en conseil des ministres et seront applicables immédiatement. Un véritable déni de démocratie est en effet nécessaire pour « simplifier », en réalité détruire le droit du travail.

LE TRAVAIL DU DIMANCHE

L’extension du travail du dimanche dans les commerces et la libéralisation des professions réglementées du droit en constituent les deux mesures les plus médiatisées. On le comprend : nombre de salariés parmi les plus précaires mesurent ce que travailler le dimanche ou de nuit pour compléter des salaires insuffisants et selon un « volontariat » soumis à la pression du chômage signifierait pour leur vie sociale. D’où les mobilisations, notamment dans le commerce.

PRIVATISATIONS

Mais ce projet de loi comprend bien d’autres dispositions, de l’ouverture de lignes nationales d’autocars « pour les pauvres » en concurrence avec la SNCF à la privatisation de l’examen du permis de conduire, en passant par la priorité au logement dit « intermédiaire » qui fait l’impasse sur le fait que la crise du logement est produite par l’insuffisance des revenus face aux loyers et les prix du foncier à caractère spéculatif. Ou encore, la distribution d’actions gratuites aux salariés par simple consultation du personnel sans négociations collectives et la privatisation de certains hôpitaux et des aéroports de la Côte d’Azur et de Lyon.

DÉGRADATION PROGRAMMÉE DE LA JUSTICE PRUD’HOMALE

Mais l’esprit de la loi d’Emmanuel Macron qui, soulignons-le, n’émane pas du ministère de la Justice, mais de celui de l’Economie, vise aussi à éloigner les salariés de la justice. C’est d’abord la justice prud’homale, jugée lente — à juste titre –, et coûteuse, qui est attaquée. Alors qu’elle est ordinairement rendue par des conseillers issus du monde du travail, à parité entre employeurs et employés, le projet de loi prévoit la possibilité d’un envoi direct devant un magistrat professionnel « assisté » de conseillers prud’homaux, transformant ainsi ces derniers en assesseurs sans réel pouvoir.

Et pour soi-disant réduire les délais, le projet Macron propose que les litiges portant sur un licenciement – c’est-à-dire 92 % des saisines –, soient traités par un « binôme » composé d’un représentant des salariés et d’un représentant de l'employeur dans un délai de trois mois. Pur effet d’annonce, car en l’absence de moyens, ce délai ne sera pas plus respecté que le délai d’un mois en principe imparti pour la tenue de l’audience de « départage », à laquelle le litige est renvoyé en l’absence d’accord, en présence d’un juge du tribunal d’instance.

La dégradation ainsi programmée de la justice prud’homale ne peut qu’encourager les employeurs à multiplier les licenciements injustifiés. Un aspect du projet unanimement rejeté par les représentants syndicaux et patronaux au Conseil supérieur de la prud’homie ; c’est peut-être pourquoi le projet de loi prévoit un renforcement drastique de la surveillance « disciplinaire » des conseillers qui se voient interdire notamment toute « action concertée ».

IMPUNITÉ RENFORCÉE DES EMPLOYEURS

Dans le même ordre d’idées, le pouvoir de sanction de l’inspection du travail devrait passer des mains de l’inspecteur du travail à celles des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte), subordonnés aux intérêts des employeurs. On passe en effet de la mission de « contrôle des entreprises » de l’inspection du travail, au rôle d’accompagnement et de soutien des entreprises des Direccte placées auprès des préfets de région.

La dépénalisation prévue du délit d’entrave au droit syndical vient s’ajouter à l’arsenal de dispositions qui renforce l’impunité des employeurs peu scrupuleux. Il y a délit d’entrave quand par exemple le chef d’entreprise n’organise pas ou organise mal les élections dans sa société, quand il ne respecte pas les rythmes obligatoires de réunions des délégués du personnel, ou encore quand il enfreint les règles d’informations des élus pour des travaux ou une réorganisation. Grâce à la loi Macron, les employeurs qui ne respecteront pas les règles du droit syndical ne seront plus passibles de la sanction pénale actuellement en vigueur, soit jusqu’à un an de prison. Une simple sanction financière est jugée suffisante. L’argument ? Il s’agirait de ne pas décourager les investisseurs étrangers inquiétés par des mesures coercitives éventuelles.

LE RÈGLEMENT DES LITIGES

Le projet de loi autorise enfin le recours à deux modes de règlement extrajudiciaire des litiges patronat-salariés, jusque-là interdits en droit du travail : la procédure participative et la médiation conventionnelle, qui ont en commun l’entente des deux parties pour un règlement « loyal » de leur différend, leur coût (négociation par avocats interposés dans le premier cas, rétribution du mandataire dans le second) et la possibilité de conclure le litige en deçà des droits du salarié.

Le projet de loi Macron ne va pas dans la bonne direction pour le monde du travail, n’en déplaise aux signataires de la tribune du Journal du dimanche. En conséquence, la CGT, FO, la FSU et Solidaires, le Syndicat de la Magistrature (SM) et le Syndicat des avocats de France (SAF), ont décidé de mobiliser pour contester l’orientation politique économique et sociale du projet. Le 26 janvier, jour de l’ouverture du débat à l’assemblée nationale, des actions seront menées dans les conseils de prud’hommes, et ce jusqu’au 8 février ; des rassemblements et des manifestations se dérouleront dans plusieurs villes. A Paris, une manifestation unitaire partira à 13 h du boulevard Haussman, métro Chaussée d’Antin.